Francis, tu ne distingues pas la période Bon Scott et Brian Johnson, dans ton esprit AC/DC c’est un groupe, une histoire, une passion sur la durée…
Oui. Et puis AC/DC c’est AC/DC avant tout. Bon, c’est vrai, j’ai réécouté « Powerage » récemment, c’est une époque moins produite, sans la technologie qui est venue par la suite, idem pour « Let there be rock », c’est du brut de fonderie (rires). A partir de 1979 avec « Highway to Hell », et l’arrivée de Mutt Lange apparaissent des chorus plus élaborés, c’est plus produit. Mais bon, je ne fais pas trop de distinction. Mais c’est vrai, mon cœur va vers cette période qui me rappelle ma jeunesse…
Et la moustache (rires)
Oui et la moustache (rires). Maintenant c’est la barbe…
Difficile tout de même de nier la baisse de régime dans les années 83 à 88 … surtout en France d'ailleurs. Y avait-il une lassitude chez les membres du groupe d'après toi, le vrai contrecoup de la mort de Bon comme chez Phil Rudd à l’époque, un manque d'inspiration, ou un besoin de vacances pour un groupe qui a tourné encore et encore depuis 1976 ?
Un peu de tout cela je pense… Phil Rudd reste un cas à part, il a toujours flirté avec les paradis artificiels…Mais on ne peut pas avoir une discographie qui s’étend sur près de 35 ans sans un album un peu en deçà. Elvis Presley n’y échappe pas. Des albums somptueux au départ puis on est tombé dans du Las Vegas…J’ai trouvé mon bonheur dans « Fly on the Wall ». Le seul vrai reproche que je fais à ce disque c’est sa production, il y a beaucoup trop d’écho sur la voix de Brian. Sur « Flick of the Switch » idem, il y a des morceaux excellents… Pour tout dire, c’est « The Razor’s Edge » qui me touche le moins, exception faite de « Thundertruck » évidemment !
Stiff Upper Lipp est tout de même un putain d’album, bien produit, on y savoure un groupe détendu, heureux de joueur, un Malcolm qui se fend d’un solo, un album petit frère de « Dirty Deeds Done Dirt Cheap »…
Oui, absolument, moi j’adore « Meltdown ». Oui, c’est un vrai retour, et puis celui qui arrive, « Black Ice », c’est 8 ans après SUL. Tout le monde prend un coup dans la gueule niveau âge tout simplement. J’espère que sur les concerts ça bougera autant qu’avant. Je ne pense pas qu’Angus fera des sauts et des embardées comme par le passé, mais j’espère que ça bougera. Mais personne ne va contre le temps qui passe.
Toi, en tout cas, tu n’as jamais cessé de ton côté de soutenir le groupe, et de saluer chaque sortie d’album pendant Wango Tango…
Quand on aime la musique, il y a des points d’ancrage dans l’histoire. AC/DC est un point d’ancrage, que je n’ai effectivement jamais renié au fil du temps, même avec les albums un peu moins bons, même si Jeff Buckley m’a beaucoup touché, Radiohead aussi, du rock dans d’autres domaines musicaux qui m’apporte aussi beaucoup d’émotion. AC/DC c’est 1976, l’époque à peu de chose près où je suis entré à RTL comme standardiste, où je commençais ma carrière radiophonique. Et en 2008, je retrouve AC/DC.
Le dernier Wango Tango a été intégralement consacré à AC/DC et à Led Zep. Ce sont tes 2 groupes piliers ?
Oui, ce sont les 2 socles de ma musique à moi. Led Zeppelin quand j’ai découvert fin 68, j’avais 15 ans… Quand tu es ado, tu as toujours cette musique dans laquelle tu te réfugies, où tu es un peu rebelle… Et puis au fil du temps, Led Zep a bien mûri, a bien évolué, et c’est toujours resté une putain de musique pour moi. Ce groupe pour moi est aussi emblématique que les Beatles et les Stones. Mon 3e groupe dans le temps et en 4, je mettrais AC/DC…
En parlant de Wango Tango, pourquoi une telle émission, si novatrice pour son époque, totalement hors des sentiers battus, ne semble plus aujourd’hui possible sur les ondes ?
Je crois malheureusement que la radio est devenue une entreprise. Avant, on faisait de la radio avec des idées, et puis on y collait derrière une régie publicitaire, du marketing etc… Quand tu vois tourner aujourd’hui la radio et la télévision, c’est avant tout du marketing, des études. On ne prend pas de risques, par peur de perdre des auditeurs. On essaie de capter le plus grand nombre, ce qui est tout à fait louable quand tu es une entreprise. Mais en même temps, cette évolution ne concerne pas qu’une émission sur le métal. Quand la FM est arrivée, il y avait des particularités : RFM et la musique californienne, Carbonne 14 la déconne, d’autres la New Wave et le Punk. Tout cela, on va le retrouver grâce à Internet…et sortir du plan des « 25 gold » balancés à longueur de journée sur les ondes. Internet est une porte de sortie. Je suis allé à Londres en famille cet été. Dans le bus, il y avait le Wifi embarqué. Le mec il se calera ses webradios préférées et se dira « on ne me fait pas chier, on me repasse pas des trucs que j’ai pas envie d’écouter, je reste là dessus».
A ce sujet, on se souvient bien de ton émission « Zikweb ». Tu as été un des tous premiers à saisir le lien, évident aujourd’hui, entre la toile et la zique.
Oui, absolument. Ma découverte remonte avant de faire cette émission. Je me baladais sur la toile, à la recherche d’une data base sur la musique, et je suis tombé sur « Allmusic.com ». Je regardais mes bouquins que j’avais acheté à droite et à gauche, pendant 25 ans de ma vie, en réalisant qu’avec la Toile j’avais tout ça au bout du doigt ! Et puis est arrivé Napster… Déjà à l’époque, je disais aux maisons de disques « Mais qu’est ce que vous foutez ? On parle de téléchargement illégal, de piratage mais dans les années 70 on copiait les disques sur les cassettes ». Au lieu de se servir du Net, et de développer des trucs, beaucoup sont allés contre et en fin de compte ont donné au public l’habitude de télécharger au lieu d’acheter. Il y a 5 ans et encore aujourd’hui, une nouveauté coûte 20 €, et ce n’est pas possible…
Les années '90, avec « The Razor’s Edge » puis « Ballbreaker » voient l'accession d'AC/DC au statut de mastodonte du rock. Comment expliques-tu ce nouvel engouement ? L’émergence des Guns N’ Roses et du mouvement grunge n’a t’elle pas tout simplement donné une seconde jeunesse à la musique qui dépote ?
Il y a une constante au niveau des courants musicaux. Déjà à la fin des années 70 et au début des années 80, on constate l’émergence de groupes comme Maiden, Def Leppard, Saxon et d’autres. Et ce phénomène là a déjà été bénéfique pour AC/DC. Et effectivement l’apparition des Guns N’ Roses et ses frasques dans la seconde moitié des années 80 a ouvert la porte au mouvement grunge qui allait suivre et qui existait à Seattle. Les Nirvana, les Soundgarden…
L'histoire d'amour entre AC/DC et la France culmine au Stade de France en 2001. Comment as-tu vécu ce concert incroyable ?
Debout, en train de bouger du début à la fin. AC/DC, tu ne pas rester assis, ne pas bouger un pied ou les deux et ne pas chanter les refrains. Je trouve cela extraordinaire. Et quand tu voyais le mélange des générations, des gens de mon âge voire plus vieux et puis des mômes en même temps. Il y a d’autres exemples de groupes fédérateurs comme ça qui prouvent que la musique est essentiel à la vie de tout à chacun et que peu importe qui tu es, d’où tu viens et quel âge tu as…
AC/DC est bien plus près de la fin de sa carrière que du début … Comment situes tu le groupe dans l’univers de la musique ? Dans le top 10 ?
Oui indéniablement. Ils ont commencé par faire du rock électrique haute tension, « high voltage », mais je pense qu’ils ne s’arrêteront jamais, je pense qu’ils feront du blues un peu plus tard, tout simplement. La suite d’AC/DC tant qu’ils le pourront, ils continueront comme ça, toujours à faire de la musique. Je discutais un jour avec Ben Harper en évoquant la réformation de Genesis, des Rolling Stones, et je lui disais « t’en penses quoi ? ». Il m’a répondu « quand on est musicien, que l’on monte sur scène, que l’on partage notre musique avec les gens et que l’on voit les yeux qui scintillent, les sourires, les larmes, c’est un truc, tu ne peux pas faire autrement, et si à 90 ans je peux encore monter sur scène et bien je le ferai». Je crois qu’AC/DC est dans le même état d’esprit.