Huit jours plus tard, le 13 Octobre, le sixième album dAC/DC paru aux USA, Back in Black était certifié disque de platine. Paru au mois de Juillet, il sagissait ici pour le groupe de leur premier album atteignant des chiffres de vente dépassant le million dexemplaires aux Etats-Unis. Au mois de Novembre, un single extrait de lalbum ayant pour titre « You shook me (all night long) se plaça à la 35ème place du Billboards Hot 100 Charts. La meilleure place rencontrée par un morceau du groupe à lépoque, et ce, depuis quils avaient réellement commencé leur carrière en 1976. LAngleterre, lEurope, et leur Australie dadoption (là où ils avaient essuyé les plâtres en 1973) savaient ce quétait AC/DC et son boogie de mauvais garçon. Back in Black a offert à AC/DC la même image, la même notoriété aux Etats-Unis.
En 1984, Back in Black avait atteint des chiffres records de vente atteignant les 5 millions de copies rien quaux Etats-Unis. A ce jour (2003), ces chiffres frôlent les 19 millions dunités vendues. Officiellement, Back in Black est lun des albums de Rock les plus vendus au travers du monde. Mais en Octobre 1980, ce triomphe était encore tout neuf. La nuit où jai perdu mes 50 dollars, au Milwaukee Auditorium, 6100 fans vêtus de tee-shirt et autres produits à leffigie du groupe attestèrent déjà de la notoriété dAC/DC. « Ils (les fans) ont cette loyauté intacte » déclara Brian à propose de ces fans le lendemain au Madison. « Les kids ne veulent pas uniquement venir au concert, ils veulent faire partie intégrante du show. Ils veulent un tee-shirt soulignant quils aiment AC/DC et quils se battront avec nimporte qui pensant dune manière différente. » En 1980, après avoir presque tout perdu, AC/DC venait de gagner la guerre contre son propre destin.
Lhistoire de Back in Black commence par la fin dune vie. En effet, en Février 1980, le 19, Bon Scott, chanteur et parolier du groupe depuis 1974, limage du groupe par ses tatouages, sa dégaine de voyou et son air menaçant, était retrouvé mort à Londres, à larrière dune voiture à lintérieur de laquelle il avait passé la nuit après une soirée bien arrosée. Bon Scott venait de trouver la mort en sétouffant avec son propre vomit. Il avait 33 ans. Bon Scott était aussi le cur dAC/DC. Comme les frères Young, dont la famille avait émigré de Glasgow à Sydney au début des années 1960, Ronald Belford Scott était dorigine écossaise (dune ville ayant pour nom Kirriemuir) . Il avait grandi sous le bleu du ciel australien, dabord à Melbourne, puis ensuite sur la côte Est à Fremantle, non loin de Perth. Il avait déjà rencontré le succès en jouant dans divers groupes australiens dans les années 1960. Groupes hippies ou pop comme les Valentines ou les Fraternity, et ce, avant de voir AC/DC pour la première fois à Adélaïde au mois dAoût 1974. A cette époque, le groupe avait pour chanteur un type au nom de Dave Evans. En Septembre de la même année, Bon sempara du micro au sein du groupe alors que Malcolm assurait la rythmique et Angus animait le groupe par ses facéties sur scène. Un savant et judicieux mélange de contrastes. Le tout agrémenté par la venue du batteur Phill Rudd en en Janvier 1975 et le bassiste anglais Cliff Williams à lété 1977. Formule qui allait avoir son pesant dor jusquà lalbum mythique quest Highway to Hell paru en 1979.
« Jétais triste pour Bon » me déclara Angus un jour de 1980. « Pas uniquement pour le groupe, mais pour lui. Nous étions toujours avec Bon. Nous en avions appris sur lui, nous lavons vu vivre bien plus que sa famille ». Mais Angus et Malcolm, qui étaient en plein phase de composition lors de la tragédie, décidèrent de continuer le travail après la disparition de Bon . « Je nallais pas rester là, à ruminer toutes ces années passées, à laisser tomber tout le travail accompli jusque là « expliqua Malcolm, « Alors, jai téléphoné à Angus, lui demandant sil voulait que nous répétions tous les deux » Cétait deux jours après les funérailles de Bon. Le 8 Avril, AC/DC annonçait quils avaient un nouveau chanteur en la personne de Brian Johnson.
Brian Johnson, un fils douvrier écossais de Newcastle officiait dans un groupe du nom de Geordie . Groupe qui avait rencontré un succès destime avec quelques titres. Bon Scott avait déjà vu Brian sur scène avec Geordie et en avait été pour le moins impresionné de la prestation vocale du type. Pour les frères Young, cétait lévidence même, « Si Bon lavait aimé, cest quil devait être bon ! Qui plus est, ajoute Angus, lorsque lon sait que Bon naimait pas grand monde ! »
BRIAN Johnson travaillait dans une fabrique de voitures anglaises lorsquil fut contacté par le groupe. Il passa une audition à Londres dans le studio de répétition dAC/DC. Audition basée sur le morceau « Nutbush City Limits » de Ike et Tina Turner et « Whole lotta Rosie » un classique de la période Bon Scott extrait de lalbum « Let there Be Rock » paru en 1977.
A la mi-avril, AC/DC débarqua au Compass Point Studios des Bahamas, mais sans la moindre attitude prétentieuse. Cependant, à laéroport de Nassau, un inspecteur des douanes voulu semparer de la guitare de Malcolm, celui-ci lenvoya balader et daller voir ailleurs sil y était. Heureusement, une tierce personne régla laffaire. « Nous venons ici pour enregistrer un album et vous voulez nous envoyer en prison ! »
Les six semaines suivantes furent consacrées au travail. Le producteur Roberts John Mutt Lange, qui avait déjà activement participé au succès dHighway to Hell et qui était en passe de devenir lun des maîtres incontestés dans le monde de la production, savait déjà la manière quil allait adopter pour faire éclore la puissance musicale dAC/DC. « Avec AC/DC, vous avez juste Malcolm dun côté et Angus de lautre « me disa-t-il en 1987. Il ajouta, « ces types là sont maîtres dans lart de jouer un rock à tempo medium bourré de puissance ». Basiquement, AC/DC est un groupe est un groupe de Blues avec des relents de heavy metal, des soupçons de Rock&Blues et des guitares saturées. Très peu de réenregistrements et une attention particulière à certains détails susceptibles dêtre reproduits sur scène. La tâche de Lange était de clarifier tout ceci, de le mettre en forme et surtout de préserver la rage animale propre au groupe.
Back in Black était, et est toujours, une merveille du Rock&Roll où se mélangent avec une synchronisation parfaite, un nouveau chanteur dynamique, la finesse de la fougue des frères Young et une production des plus subtiles. Pas besoin de qualificatifs et superlatifs supplémentaires ! Le Monde du Heavy Metal connaît tous les classiques de cet album par cur ! Que ce soit « Hells Bells » et son introduction lugubre, la complainte quest « Let me put my love into you » ou bien encore le très remuant « What do you do for money honey ». Sans oublier le pied de nez que fait Brian à toutes les critiques assenées au groupe avec « Rock&Roll aint a noise pollution ». AC/DC sur scène ou sur disque, cest le savant mélange de léchange entre le groupe et lauditeur.
Back in Black est un hommage silencieux à Bon ! Que ce soit par cette pochette totalement noire ou par le lettrage du logo du groupe. Lettres en relief et dune calligraphie semblable à celle des pierres tombales. Aucune indication, aucun hommage écrit, pas même le nom de Bon mentionné, mais le plus bel hommage que le groupe a pu rendre à son chanteur disparu est tout simplement de proposer ici une détermination suprême à jouer du Rock ! »
« Il y a des gens qui attendent un groupe de rock honnête et sincère » me déclarait Bon en décembre1978 lorsque je lavais interviewé pour le magazine Circus. Bon ne verra pas les millions de fans rejoindre la communauté AC/DC après la parution de Back in Black, mais il savait que ceux-ci viendraient tôt ou tard. Et comme Angus me disait lors de cette tournée de 1980 « Je suis sûr que si cette tragédie était arrivée à lun des autres membres du groupe, Bon aurait fait exactement comme nous ».