En cette fin d'été 1991, la France accueille l'édition
annuelle des Monsters Of Rock, rebaptisés "Rock Around The Bloc"
pour l'occasion. Une affiche certes amoindrie par rapport à sa grande
soeur de Donington, Mötley Crüe étant absent, mais de tout
premier choix pour le fan de hard-rock. C'est aussi le premier concert en plein
air pour AC/DC en France, suite à l'annulation des dates prévues
à l'hippodrome d'Auteuil en septembre 1982.
Tout avait commencé six mois auparavant, le 28 mars 1991, sur le parvis du Palais Omnisport de Bercy. Votre serviteur y patientait depuis plus de six heures, plus ou moins patiemment, en compagnie de quelques milliers de fans avant le premier show d'AC/DC de sa vie.
Une accorte jeune femme avait distribué des tracts sur lesquels était
inscrit à peu près ceci : "Monsters Of Rock de Paris, rendez-vous
en septembre pour voir AC/DC, en compagnie de Metallica et Queensrÿche".
La tournée européenne n'était pas terminée et le
premier show du Razors Edge Tour en France n'avait pas commencé, que
déjà, on en annonçait un deuxième ! Elle est pas
belle la vie ? Pas pour tous le monde car de nombreuses protestations s'élevaient
de la masse compressée dans les escaliers de Bercy : "pourquoi c'est
pas Metallica la tête d'affiche ?". Bizarre quand même?
Dans les mois qui suivirent, la nouvelle d'un grand concert en plein air d'AC/DC fut confirmée, et jusqu'au mois de juin, la possibilité d'une deuxième date marseillaise était évoquée. Hélas, les modestes ventes de places pour la date parisienne, renforcées par l'organisation un peu chaotique de cette tournée estivale - dates annulées, d'autres modifiées - rendait l'option Marseille de plus en plus improbable. L'annonce d'un gros show en plein air d'Iron Maiden sur le circuit du Castellet à l'occasion du Bol d'Or, programmé qui plus est le même jour qu'AC/DC à Paris, poignarda définitivement cette date sudiste.
Septembre, direction Paris, donc. Déjà dans le train de nuit remontant vers la capitale, l'excitation se fait sentir. Dans mon seul wagon, trois compartiments sont occupés par des barbares arborant le T-shirt aux quatre lettres et à l'éclair magiques. Tout ce beau monde feuilletant le numéro qu'Hard-Rock Magazine a eu la bonne idée de sortir, évoquant les premiers shows de la tournée des Monsters, et commentant la date de Copenhague à grand renfort de photos surréalistes. Quelle scène ! Même en photo, ça en jette !
Le temps de récupérer les copains parisiens et nous voici en
route vers l'hippodrome de Vincennes. Circulation bloquée bien avant
le site, c'est à pied que nous parcourons les derniers kilomètres,
harcelés de vendeurs de T-shirts.
Et c'est aussi dans ces conditions que nous "assistons" à la
prestation de Patrick Rondat. Hélas, à notre grande rage, nous
sommes encore loin du site quand le guitariste déverse ses notes et nous
ne pouvons que l'entendre !
Nous voici enfin devant "l'entrée". Enfin, on devrait plutôt
dire le "couloir" : une seule minuscule porte, un sas par lequel tous
les spectateurs doivent s'engager, afin d'être soumis à une fouille
sévère. File d'attente immense, piétinement dans la poussière,
bref, l'organisation laisse à désirer.
Le sas passé, course folle vers la source du bruit, et nous découvrons
l'arène. Une sorte de cuvette bordée d'un petit monticule de terre
en demi-cercle avec, en bas, LA scène ! Que dire ! C'est tellement énorme
! Vous avez tous vu la vidéo de Donington. Croyez-moi, en vrai, c'était
dément. Tout ça pour AC/DC ! Je jubile littéralement !
Un regret point cependant. La foule est clairsemée, c'est le moins qu'on
puisse dire. Mais bon, espérons que ça va se remplir dans le courant
de l'après-midi.
Évidemment, Rondat est déjà en train de prendre sa douche
lorsque nous approchons à dix mètres de la structure scénique.
Les Black Crowes arrivent et je m'éloigne un peu afin de visiter le site.
Baraques vendant les inévitables merguez, stands proposant les incontournables
T-shirts, une grappe de fidèle participant au concert des Corbeaux, la
plupart des autres étendus au soleil de cette magnifique après-midi.
Quel plaisir de retrouver cette ambiance festivalière en France. Pour
AC/DC en plus ! Après leur triomphe de Bercy six mois auparavant, les
revoir en plein air, c'est le bonheur total.
Exit les Black Crowes, voici Queensrÿche. Très attendus ! Fort de leur nouvel album "Empire", les gars de Seattle reçoivent un accueil très chaleureux. La foule se bouge et commence à reprendre des titres en choeur. Un bon moment, avant les têtes d'affiche.
Le soleil commence à décliner. Juché sur une butte au
fond du site, car la visibilité est franchement médiocre dans
la fosse, j'assiste à ce qu'il faut bien appeler le triomphe de Metallica.
L'endroit est maintenant convenablement rempli. On apprendra plus tard que 30
000 personnes ont fait le déplacement, audience bien maigre par rapport
aux autres dates de la tournée, mais bon, la France et la mobilisation
du public, éternel débat.
En attendant, Metallica débarque dans un fracas assourdissant. Black
Album sous le bras, le groupe est en super forme et tient à le faire
savoir. Premier groupe de la journée à pouvoir profiter d'un light-show
honorable grâce au coucher du soleil et d'une sonorisation puissante,
ils ravagent tout sur leur passage. Hetfield se permet même le luxe de
reprendre le riff de Hells Bells et de le déformer. Offense pardonnée,
après un titre comme One, on ne peut que s'incliner.
C'est clair, une grosse partie du public a fait le déplacement pour eux.
Sentiment confirmé lorsque j'assiste au départ de nombreuses personnes
à la fin de leur show ! Mais bon, ne nous laissons pas désespérer
par l'inconscience de ces gens qui vont rater le meilleur de la journée.
Pause... il faut prendre des forces avant les deux sublimes heures qui s'annoncent.
La nuit est maintenant complètement tombée. Bruit de tonnerre.
Les éclairs de Thunderstruck illuminent la scène, et c'est parti
!!!
Premier constat, Chris et son spectaculaire kit de batterie sont déjà
en place, contrairement à la tournée de printemps où ils
s'élevaient des entrailles de la scène.
Deuxième constat, le light-show est énorme. Toute la structure
est illuminée, c'est vraiment impressionnant.
Angus apparaît au-dessus de la batterie, immense clameur. Le son est impeccable.
Brian a la voix parfaitement en place, une performance après un an de
route. Formidable titre d'ouverture que ce Thunderstruck, envolé le temps
d'y penser.
Déjà arrive Shoot To Thrill. Le public participe, ce soir on est heu-reux ! Les mains se lèvent pour rythmer le break. Brian salue Paris et annonce déjà Back In Black. Le son, déjà excellent, s'améliore encore. Une prouesse quand on sait la difficulté de sonoriser un espace en plein air.
Vont-ils nous resservir la même set-list qu'au mois de mars ? Non ! C'est au tour de Hell Ain't A Bad Place To Be de nous régaler de son riff groovy. Ce titre qui n'avait pas été joué depuis la tournée américaine Back In Black 1980 est une très belle incursion de Brian dans l'ère Bon Scott. Je bascule dans l'extase, carrément. C'est le moment que choisit la tête gonflable d'Angus pour apparaître derrière les Marshalls, sans attendre Highway to Hell comme lors de la première tournée européenne.
Après quelques instants de silence complet, honneur au dernier album
en date, Fire Your Guns déboule à 300 à l'heure.
Il est plus que temps pour Angus de s'accorder une petite pause, lui qui vient
de passer les vingt-cinq premières minutes à arpenter le moindre
recoin des centaines de mètres de praticables. Il entame un dialogue
avec le public par l'entremise de sa SG.
Comme la discussion lui semble un peu longuette, Malcolm l'interrompt en tronçonnant le riff de Jailbeak. Quel morceau ! Quelle interprétation ma-gis-trale ! Lorsqu'il déroule son solo, costume noir, Gibson noire, cheveux au vent, Angus Young a la classe absolue dans la lumière. La star en profite pour se lancer dans son traditionnel strip-tease, encouragé par le public très présent. Passage un peu trop long à mon goût, mais certainement nécessaire au groupe pour reprendre des forces. Des forces il en faut à Angus pour redémarrer en trombe son deuxième solo et le final speedé de la chanson.
Brian annonce The Jack "about a dirty woman Ouh la la". La foule chante le refrain en rythme, tout va pour le mieux et Brian décidément en verve hurle un "Viiiiiive la France ! Come on honey, let's go !" Angus ne se le fait pas dire deux fois et emballe un solo d'anthologie.
Et voici Moneytalks. Efficace. Les écrans géants proposent les images du clip vidéo. Les choeurs de Malcolm et Cliff sont parfaitement audibles, fait rare pour être noté. Petit incident lors du lâcher de billets, une malencontreuse rafale de vent rabat d'un coup les coupures vers les grilles protégeant le système de son. Mention spéciale "connerie" aux membres du service d'ordre qui, m'expliqueront deux fans à la sortie, ramassaient les billets par poignée pour s'en fourrer plein les poches. Plus tard, un certain Yop1025 me dira même en avoir vu certains avec des paquets complets de billets à l'effigie d'Angus.
La cloche sonne ! La Hell's Bell, la vraie, pas l'ersatz en plastoque, descend des cintres. Brian la frappe à coups redoublés à la fin du titre. Pour moi, c'est l'image symbole d'AC/DC, je vis un instant particulièrement émouvant.
Sans aucun temps mort, le groupe enchaîne sur High Voltage. Le light-show donne toute sa puissance, le son est fabuleux, le riff sonne terriblement dans la nuit parisienne, le public hurle le refrain avec Brian. AC/DC est dans la place et Paris rocke à mort. Et ce n'est pas fini, Brian en veut plus et s'époumone à faire participer le public. La section rythmique bastonne un riff d'acier sur lequel Angus étale toute sa science de l'entertainment. Je suis satellisé... Comment ne pas taper du pied, headbanguer comme un malade devant un tel spectacle ? Ah non vraiment, il faut avoir vécu de tels moments pour comprendre la fascination qu'exerce AC/DC sur ceux qui les ont vus ne serait-ce qu'une fois !
Place à un autre classique. "We got some dirty deeds ! You want some Dirty Deeds Done Dirt Cheap ?" "Yeaaaaaaah !!!!!!" exulte la foule. Grande première : Angus nous fait entendre sa voix sur une ligne de la chanson, ce qui deviendra par la suite un gimmick à chaque tournée.
Un silence? un long silence? et c'est Le Riff ! Highway to Hell ! L'hymne ultime. On écoute, on se brise la nuque, on hurle les paroles. Rien à dire de plus, c'est Highway to Hell !
Pas le temps de respirer, c'est déjà Whole Lotta Rosie. Mais où trouvent-ils l'énergie de jouer à fond comme ça ? Les lumières roses éclairent l'arrivée de la grosse Rosie gonflable étrennée lors de la tournée américaine de printemps.
J'ai à peine le temps de regarder mes voisins les yeux écarquillés par le choc sonore et visuel que déjà Chris lance le beat de Let There Be Rock. Il ne lâchera pas ce rythme durant les dix minutes qui vont suivre ! Angus est en transe, Brian s'éclate comme jamais, Malcolm s'agite frénétiquement, Cliff secoue la tête possédé par ses lignes de basse, Chris-le-Métronome gagne ses galons de grand batteur d'AC/DC, et Paris retourne en orbite pour la deuxième fois de la soirée. Angus va faire son tour sur la plate-forme hydraulique dressée au milieu du public, nous ne perdons pas une miette grâce aux deux écrans géants placés de part et d'autre de la scène permettant de suivre la moindre de ses grimaces. Retour sur scène sur les épaules de Brian, deuxième symbole acédécien, deuxième image intensément émotionnelle. Et voici le temps du troisième grand solo de la soirée. Pendant que le jeune Young déploie son talent, un colossal Angus gonflable se déploie au dessus du toit de la scène. À la fin du titre, il laissera tomber son caleçon, dévoilant le drapeau français...à l'envers ! "Good night, we'll see you !" Mais non, ce n'est pas fini. Juste une petite pause avant le rappel.
Je profite de ce moment de répit pour m'asseoir un peu. Mais pas question
de relâcher la pression, nous sommes scrutés par les yeux rouges
du Kolossâl Angus gonflable !
Vite vite, il faut se relever, ils débarquent à nouveau sur scène.
Nous sommes certainement peu nombreux à reconnaître le thème
de Baby Please Don't Go qu'Angus développe en ouverture de T.N.T. Le
titre passe très très vite avec son final apocalyptique.
Comme le veut la coutume, le riff de For Those About To Rock annonce la fin des hostilités. Brian ne faiblit pas. Il assure comme tout au long de cette soirée. Les vingt-et-un canons dominant la foule sont désormais découverts et éclairés. Ils vont bientôt se déchaîner dans le ciel de Vincennes. "We salute you Parisss, we salute you Paris, we salute youuuuu !" Salut à toi Brian, fantastique Brian !
Il est temps de rentrer, des images plein la tête. Les vendeurs soldent
les derniers T-shirts, j'achète l'affiche du show.
Et je me dis "en toute objectivité, AC/DC en concert, c'est magique
!"
Durée : AC/DC : 2h00
Son : excellent
Lights : somptueux
Ambiance : très bonne
Les moments forts : High Voltage et Let There Be Rock avec le gigantesque Angus
gonflable flottant au dessus de la structure scénique.
Set list AC/DC :
01 - Thunderstruck
02 - Shoot To Thrill
03 - Back In Black
04 - Hell Ain't A Bad Place To Be
05 - Fire Your Guns
06 - Jailbreak
07 - The Jack
08 - Moneytalks
09 - Hells Bells
10 - High Voltage
11 - Dirty Deeds Done Dirt Cheap
12 - Highway To Hell
13 - Whole Lotta Rosie
14 - Let There Be Rock
15 - T.N.T.
16 - For Those About To Rock