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Interviews & Articles

Interview d’Angus et de Brian, Rock & Folk, N° 167 Décembre 1980.

Réalisée à Birmingham par Thierry CHATAIN, auteur d’ouvrages sur les boys (reportez vous à la bibliographie sur le site), où le groupe se produisit les 22 et 23 Octobre 1980, en plein Back in Black Tour.

Interview très instructive, sur les sentiments de Brian lors de son arrivée au sein du groupe et de tout ce que cela impliquait, ainsi que de l’art de porter la casquette. Hommage et références à BON, naturellement, moins d’un an après sa disparition. Bonne lecture. Sydney76.

R&F : Brian, la légende affirme que tu t’es joint à AC/DC grâce à des fans américains qui te connaissaient par ton groupe précédent, Geordie, et qui auraient parlé de toi à Peter Mensch, le manager du groupe. Qu’en est il exactement ?
BJ :
C’est en partie vrai. Un groupe de fans de Chicago a téléphoné à Peter pour me suggérer comme remplaçant possible de Bon SCOTT, mais ils n’ont pas été les seuls. De son côté, Mutt Lange, le producteur de « Highway to Hell » et de « Back in Black » a pensé à moi, et son avis a compté. Beaucoup de noms ont été cités. Avant de me rencontrer, les boys s’apprêtaient à auditionner des dizaines de chanteurs. C’est la chance de ma vie d’avoir décroché le job.

R&F : Qu’est ce que ça fait de se retrouver dans l’un des groupes les plus populaires du moment ?
BJ :
Une foutue surprise. C’est venu tout d’un coup, je ne m’y attendais pas. J’étais juste en train de remonter une nouvelle formation de Geordie chez moi à Newcastle. Quand j’ai annoncé la nouvelle à mes potes, ils ne voulaient pas me croire. Ce que j’apprécie le plus, c’est que c’est une expérience vraiment nouvelle pour moi. Ce n’est pas comme si j’avais fait cela toute ma vie. D’accord, AC/DC n’est pas mon premier groupe mais rien n’était comparable dans ce que j’ai pu faire avant. Je n’ai pas eu le temps de réaliser tout de suite ce qui m’arrivait. On a commencé par répéter deux ou trois semaines.
AY : Même pas ! On a du réduire les répétitions à une semaine. On cherchait à entrer le plus vite possible dans un bon studio, et cette occasion d’enregistrer aux Bahamas s’est présentée ce qui a tout précipité.
BJ : Et puis on a embrayé sur la tournée en Juin. D’emblée, j’ai été frappé par l’efficacité de toute l’équipe, pas seulement du groupe que j’ai rencontré deux ou trois fois avant de travailler ensemble, mais aussi de tous ceux que l’on ne voit pas et qui font marcher AC/DC, les roadies. Et l’entente a été immédiate, j’ai été adopté, c’est très important pour moi. Je sui heureux avec AC/DC. A partir du moment où je fais du rock’n roll, ça me plait. Ce n’est pas comme bosser en usine (clin d’œil)

R&F : Tu n’as pas eu le trac d’intégrer le groupe dans des circonstances hum, délicates ?
BJ :
Si, bien sûr. Le plus curieux, c’est que le trac n’est pas venu dès le début, mais au bout de cinq ou six jours de tournée américaine. Il m’a fallu ce temps pour que je me rende compte de la tâche à accomplir, pour que je réalise qu’il y a tous ces gens qui vous attendent et comptent sur vous. Je n’avais pas la moindre idée de la popularité d’AC/DC en France, en Allemagne ou aux Etats Unis. Pour moi, c’était uniquement un phénomène britannique. Et encore, je n’avais jamais vu le groupe sur scène, je ne le connaissais que par les disques. Finalement, c’est aussi bien. Je crois que les kids en France n’en ont rien à foutre qu’AC/DC marche autre part que chez eux ou pas. C’est ce qu’il y a de chouette chez nos fans : ils nous jugent par eux-mêmes, ils se tamponnent le coquillard de ce que peuvent penser les autres. Le suis certain qu’ici, en Angleterre, il n’y a pas un quart de notre public qui sait que « back in Black » est dans le top 10 aux States. Ils viennent passer un bon moment avec nous, un point c’est tout. Nous ne sommes pas un phénomène de mode.

R&F : Trouves plus facile de chanter les chansons du dernier album, que tu as écrites, que celles de Bon ?
BJ :
Non, je les trouve très simples à chanter parce que pour moi, elles sont des classiques. Pour « Let there be rock », par exemple, il suffit de se laisser porter par le riff, et les paroles parlent d’elles mêmes.

R&F : Tu es né avec une casquette sur la tête ?
BJ :
presque ! A Newcastle et plus généralement dans le Nord de l’Angleterre, en pays minier, tout le monde portait ce genre de casquette jusqu’il y a une vingtaine d’années. Mon père en a toujours une rivée sur la tête, sauf pour les grandes occasions où il met un triby (chapeau mou).
AY : Mon père est pareil : il n’y a pas moyen de lui faire franchir le pas de la porte de chez nous tête nue.
BJ : C’est l’équivalent du béret français. Pour ma part, j’ai eu l’idée d’adopter la casquette sur scène parce que sinon, la sueur me coule dans les yeux. Et c’est un détail qui a une signification pour moi, de conserver quelque chose de l’endroit où je suis né. Ce n’est pas un gimmick pour me donner une image depuis que je suis avec AC/DC. D’ailleurs, la première fois que je les ai rencontrés, je l’avais déjà (Angus opine de la tête). Au début, je réussissais à la garder tout le set, mais elle n’arrête pas de tomber. Et l’ont finit par se sentir con à passer la moitié de son temps à quatre pattes pour ramasser sa casquette. C’est plus fort que moi, dès que j’entends le riff de « Shot down in Flames », je baisse la tête et c’est fini.

R&F : Comment s’est passé l’enregistrement de « back in Black » à Nassau ? Vous avez profité du soleil ?
AY :
Pas trop hélas. Tous les jours on était bouclé en studio, c’était presque la prison.
BJ : Si tu tiens à savoir la vérité, on s’est fait chier comme des rats.
AY : mais enfin, c’était nécessaire. D’être à des milliers de kilomètres de ses connaissances, de toute distraction, c’est encore le meilleur moyen de réaliser un bon album. On peut dire qu’on l’a transpiré « Back in Black », on y a mis tant de temps et d’efforts ! Mutt est un producteur très exigeant, et il nous fallait refaire nos preuves. On a quand même eu le temps de chasser le serpent de mer.

R&F : Le succès de BIB vous a-t-il particulièrement touchés ?
AY :
oui, car c’est un miracle que le groupe ait réussi à remonter la pente après ce qui est arrivé à Bon. Je dois dire que tout le monde a été très gentil avec nous. Je crois en fait que pas mal de gens nous aiment encore plus parce que nous ne nous sommes pas laissés abattre par le destin, et que nous sommes quasiment repartis de zéro. L’album lui-même est dédié à Bon. Du titre jusqu’à la pochette, c’est un hommage qu’on lui rend. Dans un sens, son accident a encore resserré les liens à l’intérieur du groupe. Je suis heureux que nous continuions.

R&F : L’idée de la séparation ne vous a pas effleuré ?
AY : Si, mais elle a été vite rejetée. Ce serait très dur pour moi de m’arrêter. Je suis jeune, le groupe aussi, et nous faisons ce que nous aimons. J’ai du mal à m’imaginer être chose que le guitariste d’AC/DC. Je suis persuadé que si l’accident était arrivé à quelqu’un d’autre que Bon, nous aurions pris la même décision. Bon n’aurait pas jeté l’éponge. Parce que nous sommes vraiment soudés. Dans n’importe quelles circonstances, nous avons toujours essayé de faire face, nous n’avons jamais laissé tombé personne. Bien sûr la perte de Bon nous a bouleversés, nous avons éprouvé le même chagrin que si un frère nous avait quittés. Mais la vie continue.

R&F : Quand tu dis que vous n’avez jamais laissé tomber personne, tu penses au public ?
AY :
Oui, il constitue notre raison d’être. Nous respectons les kids, profondément. Si nous voyons des videurs harceler des mômes simplement parce qu’ils s’éclatent ou qu’ils essaient d’entrer en contact avec nous les stoppons. C’est pareil pour ceux qui montent sur scène. Je sais que d’autres groupes les virent manu militari de la salle, pas nous. Ils restent backstage, ils ont payé leur place, ils ont le droit de voir le show.
BJ : Ils ne font de mal de personne, ils ne sont jamais agressifs, au contraire : ce sont nos fans les plus acharnés, c’est normal qu’ils soient bien traités. Ils sont excités, c’est le but de notre musique. Il suffit de regarder Angus sur scène, ils sont comme lui. C’est ça le rock’n roll, la meilleure foutue drogue du monde. Et je dis bien rock’n roll, et surtout pas heavy metal.
AY : Entièrement d’accord. Tout vient du rythme, c’est la base et le feeling de ce que nous jouons. Nous voulons que les gens ressentent physiquement l’énergie que nous dégageons. Chaque watt.

R&F : Tu n’as jamais peur quand tu te promènes au milieu de la foule ?
AY :
Cela m’arrive ; c’est dangereux parfois d’être au cœur d’un maelström humain qui bouge dans tous les sens. Cet été en Amérique, il y a une fois où j’ai bien cru que l’on ne me laisserait jamais regagner la scène. J’ai dû rester une demi heure sur les épaules du roadie qui me porte, heureusement que je suis un poids plume ! Je faisais au revoir de la main au reste du groupe. La tradition de la promenade dans le public remonte à nos débuts. On écumait les bars, les bouges les plus louches. Dans ce genre d’endroit, les gens viennent avec une seule idée en tête, se saouler. Alors pour leur faire lever la tête de leur verre, il n’y a qu’une solution, les provoquer par tous les moyens. C’est ce que je faisais, et ça se terminait souvent en bagarre générale. Je sautais de table en table et je mordais les jambes de ceux qui restaient assis !

R&F : Explique moi comment un garçon calme comme toi peut se transformer en … la créature que tu deviens sous les spotlights ?
AY : Je ne le sais pas moi-même. Dès que je me retrouve devant un public, qu’il y ait dix ou 10.000 personnes, je ne me reconnais plus. Il suffit que je pose le pied sur scène pour ressentir un rush d’adrénaline, j’éclate littéralement. C’est une sorte de transe, un autre aspect de ma personnalité qui remonte à la surface. Comme pour Docteur Jekyll et Mister Hyde !
BJ : Dès qu’Angus entend la foule, il est intenable, il est vraiment dans un état second, c’est à peine qu’il se rend compte de ce qui l’entoure.

R&F : Quelle est votre ultime ambition pour AC/DC ?
BJ :
De jouer au Shea Stadium, pour faire comme les Rutles !



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