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AC/DC : AUTOPSIE D’UN SUCCES - 3 -

Angus Young : un héros malgré lui ?

Même s’il ne s’est jamais réclamé comme tel, Angus entre par la force des choses dans le cénacle des guitar-hero. Il nous semble délicat de définir cette notion car elle se caractérise dans l’action, les actes héroïques diffèrent sensiblement selon les époques et les contextes culturels. De même, nous ne pourrions faire l’économie d’une distinction entre la définition du héros au sens classique du terme –celui qui tutoie les dieux- et qui, de la sorte, apparaît comme un demi-dieu, et celui, au sens plus moderne du terme –celui qui tire une collectivité vers le haut l’ayant choisi ou la représentant-. Ces deux approches, même si éloignées, se rejoignent sur l’activité du héros, tant mythique que sociale. Angus appartient à ces deux catégories.

Sociale d’abord. Même si faisant partie intégrante et singularisant le leitmotiv d’AC/DC, le costume d’écolier d’Angus est hautement symbolique. En effet, il faut savoir (nous simplifions volontairement nos propos) qu’en son origine ce costume d’écolier anglais visait à une égalité entre les différentes classes sociales. De la sorte, Angus en arborant cette tenue, s’en vient remettre le public sur un même pied d’égalité. Une forme d’ixonomie serions-nous tentés de dire. Bien sûr, pour qui est de nationalité autre qu’anglaise, les paramètres peuvent paraître un peu hermétiques, mais pour le fan britannique ayant vécu une scolarité de la sorte, le symbole est fort et dépasse largement les limites du Rock&Roll Mais cette égalité se retrouve aussi dans la tenue des autres membres du groupe. Ici, pas de blousons de cuir et autres vêtements ostentatoires, seulement un jeans, un tee-shirt et des baskets. A la ville comme à la scène comme se plaisent à dire les Boyz et surtout, une possibilité pour les fans de s’identifier à ce qui se présente à eux. On comprend alors encore mieux cette horde de fans déguisés en Angus ou en écolier anglais, c’est selon, se rendant aux concerts du groupe. En somme, aucune barrière artificielle ne vient marquer une quelconque frontière entre AC/DC et son public. Gageons que cette relation, de l’ordre de la dimension humaine a largement contribué non seulement au succès du groupe, mais également à sa réputation et à la sympathie à son égard.

Mythique. En effet, il faudrait être aveugle et surtout de mauvaise foi pour ne pas reconnaître en AC/DC la mise en avant d’un jeu de scène reposant essentiellement sur la fougue, la folie d’Angus et venant s’inscrire de manière originale dans l’histoire du Rock. D’ailleurs, de nombreux observateurs se sont souvent demandés ce que serait capable de faire ce guitariste s’il restait immobile. Selon la réponse de l’intéressé, pas grand-chose de plus. Mais surtout, l’une des particularités d’Angus, et non des moindres, est cette maturité musicale acquise très tôt. Bien sûr, au fil des années, son jeu s’est étoffé et a gagné en qualité, mais il suffit de réécouter certains lives des années 1976 pour se rendre compte que déjà à l’époque, Angus connaissait et maîtrisait la majorité des plans du Rock&Roll et du Blues. Là-dessus, vous ajoutez une bonne dose de feeling (4) et vous obtenez un gamin capable de rivaliser avec, voire de dépasser, certains maîtres de l’époque. Mais il serait malhonnête d’oublier le rôle essentiel de Malcolm Young ! Pilier fondateur d’AC/DC, cerveau du groupe, et base essentielle servant à poser le jeu de son frère. Devant une telle dimension tant scénique que musicale, des groupes incontournables de l’époque ne s’y sont pas trompés, invitant AC/DC à ouvrir pour eux. (5)

Mais, peut-être malgré lui ( ?), Angus sera l’objet d’une héroïsation flirtant parfois (souvent ?) avec un marketing savamment étudié. Héroïsation marquant cependant une frontière prononcée entre le Angus, image d’AC/DC et celui de la vie de tous les jours. Ce dernier, et les différentes interviews ou témoignages en attestent, se situant loin du personnage héroïque, imbu de sa personne que toute infatuation mal placée aurait transformée en individu détestable. Marketing avons-nous dit ? Oui, car cet écolier reste l’image du groupe, en particulier lorsqu’il s’agit des pochettes d’albums, Angus est une icône incontournable (6) Tour à tour électrifié (Powerage), représenté sur scène (Let There be Rock, Live…), traversant un écran de télévision (le lecteur trouvera aisément le titre de l’album), le personnage d’Angus est marqué d’une évolution dans sa représentation au fil des années : nous l’avons vu nous narguer comme branleur de manche avec High Voltage, il apparaîtra gisant, mort, au dos de la pochette d’If You want blood. Certains seraient tentés d’y voir la fin d’une ère pour AC/DC, tant musicalement qu’au niveau de la reconnaissance du public. En nous tenant simplement à la représentation du personnage, cette mort symbolique du personnage n’est qu’un tremplin pour ce dernier. « Angus est mort ? Vive Angus ! » Il nous reviendra plus arrogant que jamais (étonnant non ?), avec Highway to hell, orné de cornes qui laissent supposer que par-delà le personnage social perdure un personnage mythique, symbolique dont le succès est certain.

Mais attention, rien n’est laissé au hasard ! Le mythe est entretenu ! Angus devient produit devant l’éternel, ne se devant de vieillir et d’entretenir une image de jeunesse et de fougue caractéristique de son personnage. Rien n’est laissé au hasard, non, et la pochette de Ballbreaker en est l’exemple parfait, puisque cet album paru en 1995 voit son visuel réalisé à partir d’une image datant de 1981. Angus rejoint le cénacle très fermé des icônes intemporelles, pour finalement les laisser sur place et accéder au rang supérieur. En 2000, il sera littéralement déifié en couverture de Stiff Upper Lip, représenté comme une statue de Bronze qui affronte le temps ; statue dont l’attitude laisse à penser que le groupe, à l’instar d’Angus fait bel et bien partie des Indomptables du rock ! Mais ne s’agirait-il pas ici d’un juste retour des choses ? D’une logique implacable venant souligner ce que les premières années du groupe avaient déjà suggéré, si ce n’est en germes ? Pensons à la seconde couverture européenne de High Voltage, Angus avec sa guitare, pochette traversée d’un éclair. Puissante alliance du social et du mythique. Angus en habit d’écolier simulant un acte masturbatoire, sa Gibson apparaissant comme le substitut d’un phallus, s’inscrit comme le sale gosse « graveleux », mais n’en est pas moins capable d’en appeler aux Dieux, (à ce titre, la symbolique de l’éclair est très forte de sens) par son jeu, par sa musique. Nous ne sommes pas loin du Angus-Prométhée qui viendrait éclairer le monde musical de sa découverte …

(4) The Jack et Ride On en sont des exemples particulièrement significatifs.
(5) Citons, entre autres, Rush, Kiss, Ted Nugent ou bien encore Aerosmith. Ces derniers allant jusqu’à poser un ultimatum à leur maison de disques, exigeant que ce soit AC/DC qui ouvre pour eux, sous peine d’annuler leur tournée.
(6) Seules les pochettes des albums Dirty deeds done dirt cheap (européen), Back in black, For those about to rock, Fly on the Wall et The razors edge ne le mettront pas en avant. De même, que la version ex Allemagne de l’Est d’Highway to Hell.

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