Parle-nous de Something To Say. Son enregistrement fut ta première
expérience en studio ?
Oui, nous avons disposé dune semaine en tout et pour tout pour
mettre lalbum en boite. Nous nous sommes contentés de jouer au
mieux des titres dont nous disposions, sans savoir vraiment ce que nous faisions
ou ce que nous tentions de faire. Lobby loyde des Coloured Balls (Ndlr : légendaire
guitariste autralien) nous produisait et on ne peut pas dire quon le sentait
vraiment impliqué. Il arrivait quon lui demande ce quil pensait
dune prise quon venait denregistrer, et il nous répondait
laconiquement : « Je nai pas vraiment davis, après
tout cest votre album les gars » (rires). Moi je faisais mes armes,
je navais jamais enregistré quoique ce soit auparavant, et, sincèrement,
avec le recul, je trouve que je men suis pas si mal sorti. Le résultat
sonnait plutôt bien. Excepté peut-être les vocaux trop bruts,
trop rudes à mon goût. Le reste du groupe nétait pas
mauvais. Surtout le batteur (rires).
Te souviens-tu du jour où tu as découvert cet album, ton premier
album, dans les bacs ?
Je me souviens de lendroit précis où nous vivions quand
il est sorti, je me rappelle aussi avoir entendu deux ou trois fois le single
« Buster Brown » à la radio. Bonne sensation ! ! ! mais,
encore une fois, il y avait trop de choses négatives autour de ce groupe,
le bassiste original essayait de devenir le manager etc
. Je nai
pas vu Angry depuis un bon moment. Par contre, jai rencontré Geordie
en Février dernier. Il est facteur. Mais il continue de jouer, il fait
des sessions de ci de là.
Quas-tu fait après avoir été viré de Buster
Brown ?
Bien
. Javais quitté mon poste dapprenti pour pouvoir
davantage me concentrer sur le groupe et je me suis donc retrouvé sans
travail. Alors jai bossé pour mon père en lavant des voitures
pendant six mois. Jusquau jour où Trevor Young, lex-batteur
des Coloured Balls qui mavait remplaçé au sein de Buster
Brown ma demandé si javais entendu dire quAC/DC cherchait
un batteur. Je me suis rendu dare-dare là où les boys habitaient,
et, dans la foulée, je suis devenu membre du groupe.
Avais-tu déjà
entendu parler dAC/DC ?
Oui, puisque Buster Brown et AC/DC avaient joué ensemble à Adélaïde.
On sétait ainsi côtoyé lespace dune semaine.
Cest dailleurs marrant avec le recul : trois groupes se partagaient
laffiche pendant trois semaines. Et chacun dentre eux devait, son
tour venu, occuper la tête daffiche. La première semaine,
nous avons donc joué en premier. La deuxième semaine, nous étions
second. Et lorsque est venu notre tour dassurer la tête daffiche,
AC/DC, qui voulait absolument jouer en dernier, entend Headliner, a refusé.
Comme cela ne me convenait vraiment pas, je suis allé en toucher deux
ou trois mots au promoteur qui na que très modérément
apprécié mon franc parler. Et cela a encore précipité
mon renvoi du groupe (rires).
AC/DC avait déjà enregistré un album quand tu les as
rejoins ?
Oui. Mon arrivée coïncidait plus ou moins avec la sortie de High
Voltage (édition australienne) sur lequel je ne jouais donc pas. Ils
avaient, pour loccasion, fait appel à différents batteurs
: John Prude, Tony Cerruti (Ndlr : ex The 69 Ers) et Peter Clack que nous avons
dailleurs revu à Melbourne en Février dernier (Ndlr : il
semblerait que Georges Young, ex-Easybeats et frère aîné
dAngus et Malcolm soit également passé derrière les
fûts sur ce premier album).
Quel titre ta-ton demandé de jouer dans ton audition
?
Oh, nous avons essentiellement jammé sur des standards rock et des titres
de High Voltage. Et le courant est passé immédiatement. Je me
suis rapidement retrouvé à écumer le même circuit
quavec Buster Brown, les mêmes endroits, les mêmes clubs.
A cette différence près que jétais désormais
mieux manager, et que chaque semaine, on me donnait un peu dargent. Ce
qui était cool. Jétais également logé. Tout
cela contribuait évidemment à faire de moi quelquun de mieux
organisé, avec la tête claire. Je savais enfin où jallais.
Un mot sur tes premiers concerts avec le groupe ?
Lun des tous premiers a eu lieu en extérieur lors du Sunbury Festival,
à Melbourne (Ndlr : le 25 Janvier 1975). Je devais faire partie du groupe
depuis trois semaines au plus. Nous navions pas encore de bassiste permanent
et cest Georges qui, pour loccasion et comme il lui arrivait fréquemment
de le faire, nous dépannait en tenant la basse. Deep Purple était
en tête daffiche et, pour une raison ou pour une autre, ils se sont
sentis menacés par notre présence. Ils ont refusé que nous
jouions après eux. Jignore si ce refus venait du groupe, ou de
son management, ou de ses roadies, toujours est-il que lordre a été
donné de nous éjecter : « Cest terminé, rentrez
chez vous, plus personne ne jouera ce soir ». Ils en faisaient des tonnes,
se la jouaient gros bras et petites frappes. Or, Georges nest pas du genre
à se laisser marcher sur les pieds par quiconque. Quelques coups ont
donc été échangés. Sans plus. Ce qui, au final,
nous a pas empêché de monter sur scène et de jouer (rires).
Vous avez essayé plusieurs bassistes avant de dénicher Mark
Evans ?
Oui, nous tentions vraiment de trouver le meilleur musicien qui soit. George
a joué de nombreuses parties de basse qui figurent sur nos premiers albums.
Et il était dévidence le candidat idéal mais, après
son aventure Easybeats, il nétait pas prêt à remettre
le couvert en temps que membre permanent. Dautant quil était
pris à plein temps par son poste de producteur. Mais lorsquil lui
arrivait de se joindre à nous, ponctuellement, il prenait son pied. Et
nous aussi, car cest un excellent bassiste. Le Line-Up sest stabilisé
avec larrivée de Mark Evans en Mars 1975 mais nous avions testé
dautres bassistes avant lui. Je me souviens entre autres dun mec
que nous surnommions « Speedy » pour des raisons évidentes.
Notre choix était somme toute assez restreint car il nétait
pas évident
de trouver un musicien qui ait la même approche, les mêmes idées
que George. Nous avons donc galéré avant de trouver la bonne personne,
et effectivement, deux ou trois autres bassistes se sont succédés
avant que nous jetions notre dévolu sur lui (Ndlr : il semblerait que
Larry Van Kriedt qui avait joué sur le premier single « Can I Sit
Next To You Girl /RockinIn The Parlour » soit momentanément
revenu au sein du groupe qui se produisait parfois sous forme de quatuor avec
Malcolm Young à la basse). Mark sest correctement intégré,
du moins au début. Mais là encore, on a fini par réaliser
quil lui manquait un petit quelque chose.
En Septembre 1975, tu te casses un pouce et tu es remplaçé
le temps de quelques concerts, frustrant non ?
Cest Collin Burgess (Ndlr : ex-Masters Apprentices qui faisait partie
de la première mouture dAC/DC et figurait sur le premier single
du groupe) qui assurait lintérim. Moi je montais sur scène
pourjouer les derniers morceaux avec ma seule main valide (sourire). Les boys
me laissaient ce plaisir. Avec une main, sans main, il fallait que je participe
au show à ma manière, que japporte mon soutien au groupe.
Cest en défendant Angus lors dun concert au Matthew Findlers
Hôtel (un spectateur lavait pris à parti et lui tapait dessus)
que je métais blessé. Javais vu lincident entre
mes cymbales et je suis intervenu dans la seconde. Jai cogné comme
un dément jusquau moment où, horreur, jai réalisé
que mon pouce était cassé. Il a fallu une intervention chirurgicale
pour le réparer correctement.
Quand as-tu commencé à sentir venir le succès ?
En fait, nous avons toujours eu du succès. Le groupe bénéficiait
déjà dune excellente réputation lorsque je suis arrivé.
En live, nous mettions tout le monde daccord. Certes, nous aimions les
compliments, mais, plus important, nous connaissions la vérité,
nous savions que nous étions bons. Nous étions conscients de notre
valeur. De notre professionnalisme aussi. Toujours à nous mettre en quatre
pour obtenir le meilleur son possible
Mais il vous a fallu repartir de zéro en Angleterre ?
Pas que là-bas. Dès que nous débarquions pour la première
fois dans un pays, il nous fallait refaire nos preuves. Je pense entre autre,
à nos premiers concerts en Allemagne, à la Fabrik (Ndlr : le 15
Septembre 1976 à Hambourg). Cest au fil des concerts que nous bâtissions
notre succès et le consolidions. Grâce au bouche à oreille
essentiellement, et non à nos albums qui ne passaient pas en radio. Il
faut dire que nous ne donnions pas vraiment dans la pop sucrée, nous
ne composions pas du hit (sourire) ce furent de bons débuts, ça
nous a remis les pieds sur terre. Il me semble que nous avions tourné
un film au Festival Hall (Ndlr : Melbourne Juin 1975) et que cest cette
vidéo qui nous a permis de décrocher un deal en Europe avec Atlantique.
Nous avions limpression de repartir de zéro. La gloire est venue
petit à petit mais, où que nous allions, il nous a fallu reprendre
le chemin des clubs. Idem aux States. Excepté dans certaines villes,
où, dentrée, nous avons joué dans la cour des grands,
comme à Jacksonville en Floride : là, la première fois,
nous nous sommes produits comme Co-Headliner devant pas moins de 4.000 personnes
(Ndlr : il sagissait de la 7ème date du groupe qui partageait ce
6 Août 1977, la tête daffiche avec Reo Speedwagon). Pour le
reste, nous avons joué dans les bouges les plus infâmes que compte
cette planète
Là nous avons bâti nos fondations.
Début 1976, vous étiez des stars en Australie, mais des inconnus
dans le reste du monde. Le réveil a dû être brutal ?
Non, pas vraiment puisque nous savions à quoi nous attendre. Nous ne
pensions pas être acceptés avant davoir montré de
quoi nous étions capables. Le public est venu petit à petit .
Cela sest fait très naturellement, de façon authentique.
Certains nous voyaient une première fois par hasard, devenaient fan et
revenaient nous voir avec leurs potes. Nous avons donné notre premier
concert anglais dans un pub minuscule (Ndlr : le Red Crow, en Avril 1976) devant
80 personnes . Pour notre seconde prestation, lendroit affichait complet,
impossible dy mettre une personne de plus. Tenter de relever ce challenge
nous procurait énormément de plaisir. Car cétait
un challenge. Nous nous sommes produits dans des endroits dans lesquels, même
dans nos pires cauchemars, nous naurions envisagé de jouer (sourire),
nous avons même ouvert pour des D.J. en Angleterre et en Ecosse. Cétaient
eux la tête daffiche (rires). Mais cela ne nous dérangeait
pas outre mesure tant quon nous donnait notre chance.