Back In Black
Le 8 avril 1980, et une version de Nutbush City Limits (entre autres) plus
tard, Brian Johnson est officialisé nouveau chanteur d'AC/DC par Atlantic
Records. Le groupe part s'enfermer dans les Compass Studio de Nassau, loin
de tout, aux Bahamas, en compagnie de Mutt Lange pour enregistrer Back in Black.
Le titre de l'album rend évidemment hommage à Bon Scott, et la
pochette, des dizaines de fois refusée par Atlantic, sera noire, ou
ne sera pas.
Back in Black est un album intransigeant. Comme un vin dont on connait l'histoire,
et dont on sait apprécier la juste valeur, on se délecte de pouvoir
le discuter pendant des heures avec un homologue aux mêmes ressentis,
ou bien, trop souvent, on serre les dents de frustration à chaque service,
lorsqu'il est trop souvent réduit au gimmick de sa cloche.
Le riff orageux d'Hells Bells, opener hors catégorie, rend évidemment hommage à Bon Scott. Pour la petite histoire, un coup de tonnerre made in Bahamas inspira Brian pour les paroles, et c'est en pissant que Malcolm eut l'idée de la cloche. Aussi anodin que celà puisse paraître, ce bruit de cloche donna du fil à retordre à Tony Platt, ingénieur du son. C'est le bruit de la Denison Bell de Loughborough qui fut enregistré par Platt après moult péripéties. Des oiseaux, nichés là venait ruiner les prises et il fût décidé de démonter intégralement la cloche pour la descendre dans le studio mobile.
L'hommage rendu, AC/DC sert en deuxième position, l'un de ses tous meilleurs riffs: Shoot to Thrill. Si Hells Bells est le Black, Shoot to Thrill est le Back. L'osmose du groupe sur ce titre est totale. Un riff efficace, un bridge magnifique et inspiré (une vague émotionnelle à tous concerts), le tout rendu par une production superbe et un positionnement judicieux dans la tracklist font de Shoot To Thrill une parfaite démonstration de la nouvelle puissance acquise par le groupe. En réalité, lorsque Shoot to Thrill se termine, on a presque envie de dire, bon... CQFD. A noter que les paroles (écrites par Brian Johnson) font référence à la vague médicamenteuse recouvrant les ménages anglais dans lesquels beaucoup de femmes au foyer tombent dans la dépression en ce début des années 80.
What Do You Do For Money Honey, Given The Dog A Bone et Let Me Put My Love
Into You ne font littérairement parlant, pas dans la dentelle. Les riffs
sont quant à eux, très incisifs, et on a en permanence ce sentiment
que Malcolm & Phil poussent Angus dans ses derniers retranchements à la
manière d'un Let There be Rock (album) moins fougeux, plus contrôlé.
Sur ces trois titres, on appréciera particulièrement le travail
de Malcolm, sur qui, en compagnie de Phil, l'intégralité de l'album
repose réellement.
Viens ensuite le titre éponyme, Back in Black. Ce riff, gratouillé originellement
par Malcolm sur la route lors de la tournée Highway To Hell, allait
partir aux oubliettes lorsque, soumis pour la forme à son petit frère,
ce dernier l'adopta. Lors des premières dates du Back In Black Tour,
la chanson bénéficiera d'ailleurs d'un solo différent
de la version actuelle, désormais "standard". Bien qu'aujourd'hui
Back in Black constitue la chanson la plus connue de l'album, on ne peut pas
s'empêcher de souligner, à sa sortie, sa particularité dans
sa rythmique et sa construction dans la discographie d'AC/DC.
You Shook Me All Night Long est une chanson débat. D'abord, parce qu'elle
marque la véritable prise de position de Brian dans le groupe, qui malgré le
scepticisme de Malcolm sur la vitesse d'élocution des paroles, su imposer
la forme qu'elle revêt aujourd'hui. Ensuite, parce que, dans la sémantique
crue du début de l'album (Given The Dog A Bone, Let Me Put My Love Into
You..) You Shook Me All Night Long affiche une certaine finesse d'écriture,
non sans rappeler... oui..bon.. fin du débat Clin d'oeil
La chanson est devenue une incontournable des set list live, faisant même
office d'opener, 20 ans plus tard sur la tournée Stiff Upper Lip.
Shake a Leg se lance, et se termine à toute vitesse. On y voit presque
une dernière tentative de la section rythmique de mettre Angus hors
jeu, en vain. Et pourtant, ça pousse fort derrière lui.. et particulièrement
juste avant son solo. La chanson aurait dû terminer l'album et figure
en fin de quelques setlist papier de la tournée sans avoir a priori
réellement été jouée. Il faut dire que dans sa
position, Shake a Leg constitue un véritable défi à relever
tant la chanson, fougueuse, semble prendre le pouvoir sur ses musiciens.
Finalement, l'album se terminera sur le splendide Rock'n'roll Ain't Noise
Pollution, inspiré de la grogne grandissante des riverains londoniens
contre les "nuisances" sonores émanant des pubs au début
des années 80. La décision prise d'ajouter une dixième
chanson, toute l'équipe de production sortit et seuls restèrent
Angus & Malcolm pour travailler un riff qu'Angus avait déjà plus
ou moins en stock. A leur retour, la proposition fît l'unanimité et
pour dégager une ambiance particulière, Malcolm demanda à Brian
de balancer n'importe quoi sur son ton religieux-professoral (qu'il affectionnait à l'imitation),
le hey down all you middle men.. prenant alors naissance..
Rock'n'roll Ain't Noise Pollution met également fin au miracle faisant
qu'aucun bruit d'inspiration de fumée de cigarette ne soit perceptible
sur un album d'AC/DC
.
Les conditions de l'enregistrement de Back in Black furent quant à elles
assez particulières. D'abord, à cause de la chaleur et la moiteur
des Bahamas. Ensuite, parce qu'il a fallu faire la chasse aux crabes dans le
studio, car, a plusieurs reprises, leurs pas venaient perturber les prises.
Et puis, l'indigestion de conques. Oui, le régime alimentaire auquel étaient
réduits les membres du groupe se résumait aux conques -coquillage
national- sous toutes ses formes.
Et le nouvel arrivant dans tout ça? Brian lui même, pendant l'enregistrement
et à l'écoute se demandait si ce n'était pas trop haut
et se posait beaucoup de questions. Catapulté en quelques jours derrière
le micro d'un groupe mondialement connu a de quoi intimider. Mais, les affinités
caractérielles entre lui et les autres membres du groupe lui permirent
vite de prendre ses marques. Les fans eux, avaient perdu une idole, et le deuil
difficile à faire, rendit l'accueil mitigé, certains boudèrent
même complètement le disque avant d'y revenir une fois avoir vu
l'homme sur scène.