Iangillan nous raconte Heidelberg 4 fevrier 1986 | Highway To ACDC : le site francophone sur AC/DC

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Iangillan nous raconte Heidelberg 4 fevrier 1986

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Tout a débuté au milieu de l'année 1980, en pleine folie "Back in Black" naissante. Le jeune garçon que j'étais alors, confronté pour la première fois sur Europe 1 à "Hell's Bells", resta scotché, abasourdi ... horrifié pour tout dire. Et devant des copains insistants qui adhéraient à fond au groupe, j'opposais un docte "AC/DC c'est des hurleurs", ce qui, même avec le recul, n'est d'ailleurs pas si faux que ça. Sauf qu'au bout de quelques semaines, je me retrouvais à headbanger dans un grenier, raquette à la main, ou à beugler des sons indistincts (quelque chose comme: "I'm rowing thunda, power and rain, I'm cominnon like a hurricane ..."). AC/DC était en pleine ascencion, peut-être même au sommet de sa gloire, un déjà-mythe fait de testostérone (Tu m'as secoué toute la nuit, yeah!), d'éthique de prolos ("idle juvenile on the street on the street..."), de mort (Bon Scott était encore pratiquement le chanteur d'AC/DC, puisqu'on l'entendait partout) ... En quelques mois, au gré des rentrées d'argent de poche, j'avais acheté la plupart des albums, et dès mes 11-12 ans, je rêvais d'aller les voir en concert.

Après un premier échec en 1984 (Monsters of rock allemands, pas très loin de chez moi), en raison d'un niet parental, ça a viré à l'obsession. Alors, pas de doute, la prochaine serait la bonne, parents ou pas ... 1985 : la tournée "Fly on the Wall" est annoncée, nombreuses dates en Allemagne, la plus proche à Heidelberg, 150 bons kilomètres. Pendant des jours, j'ai essayé de décrocher le sésame ... Oh, pas le billet, pour ça il n'y avait pas de problème (difficile à croire aujourd'hui) ... Non, le chauffeur ! Au final, deux copains sont partants, plus le père de l'un d'eux. Début décembre 85, j'achète donc mon billet, un beau billet aux lettres rouges en relief sur fond gris : AC/DC, Heidelberg-Eppelheim, Rhein-Neckar-Halle, 4. Februar 1986 ... Mon plus beau cadeau de Noël ... Je comptais les jours ....

stuttgart86_01.jpgPour bien faire comprendre aux plus jeunes quelle était l'ambiance de l'époque, il faut rappeler que le groupe semblait clairement sur une pente descendante, amorcée dès "For those...", même s'il s'agissait encore d'un très gros succès ; les clignotants sont passés au rouge avec "Flick of the Switch" (certes inférieur à ses prédécesseurs, avec des défauts indéniables, mais largement sous-estimé) et surtout "Fly on the Wall", en général assez mal reçu par la critique : un début de raillerie, de parfum "has-been bouseux" commence à se répandre autour du groupe. Des pécores, une musique de branleurs sous-cultivés ... Le côté bon enfant du groupe lui revient à la figure sous forme de reproche de beauferie.

Jour J : illustration. La salle est un cube multisports, perdu dans une banlieue cambrousseuse, certes assez vaste, mais abritant tout au plus 3000-4000 spectateurs. Et ce n'est pas complet, pour autant que je puisse en juger. AC/DC dans une salle de hand !! Le public est jeune, beaucoup plus que maintenant bien sûr, mais aussi par rapport aux tournées 88 et 91. Aux fans du groupe (quelques centaines) s'ajoutent des gars des environs (plutôt genre "rural"), beaucoup de GI en goguette (les bases américaines sont encore légion en Allemagne du sud en ces temps de guerre froide finissante), bien éméchés, assez agressifs, et des cuir-clous amateurs de métal en général, mais préférant sans doute Maiden (la star du moment) ou Dio.

AC/DC dans une salle de hand... On en rêve aujourd'hui, à l'époque c'est un peu triste. Mais ça ne fait rien: je viens d'avoir seize ans, je suis avec deux potes et un père bien cool qui écoute DC depuis Bon, et on se jette au premier rang, contre la barrière ... Mauvaise idée: dès les premières chansons de Fastway, qui ouvre sur la tournée, on se retrouve pris dans une sorte de bousculade violente, avec échange de coups, déplacements de plusieurs mètres pieds décollés du sol... je me réfugie à une dizaine de mètres de la scène, où la civilisation semble reprendre ses droits, du moins en partie.

Et puis, vingt heures, le moment tant attendu: un projecteur, un petit gars aux cheveux très longs qui tient ses mains en forme de cornes, un hurlement qui sort de toutes les poitrines, un riff qu'on connaît tout en ne le "remettant" pas, tant c'est la folie: dam-dadadam -dada -dada - dada - dada. Grâce à ma brillante transcription, tout le monde aura reconnu l'intro de "Fly on the Wall" ... J'ai seize ans, c'est mon premier vrai concert, c'est mon guitariste préféré, c'est la folie, je hurle, je beugle, je rêve !!! j'hallucine. Le son écrase tout, une casquette hurlante apparaît .... "Making love drunk or stoned/Looking for dollar get broken boned/It's a game too tough to tame ..." AN-GUS !!! BRi-AN !!! Une émotion incomparable, ou alors seulement à des événements autrement plus importans dans la vie : naissance d'un enfant, mariage ... On est heureux, mais perdu, en décalage avec la réalité. Rassurez-vous, j'échange pas mes filles contre une place de concert, c'était juste pour faire comprendre ....

stuttgart86_02.jpg Le groupe fera un set impeccable. Sans doute n'est-ce pas un concert exceptionnel (je les ai revus un peu meilleurs en 88 et 91, voire en 96). Sans doute une pointe de démotivation, inconsciente, vu la salle. Mais le professionalisme du groupe est extraordinaire. Angus est en pleine forme, il fait les pires acrobaties, saute d'une pile de Marshall, stimule sans cesse le public, simule des orgasmes guitaristiques. Brian n'est pas très en voix, et il commence à être un peu balourd dans ses mouvements; à côté de ça, même Bon Scott passerait pour un grand danseur : mais Brian se vide les tripes, il grimace presque pour sortir ce qui lui reste au fond des cris. Le groupe enchaîne sur Back in Black (ovation) puis le deuxième et dernier (!) morceau de Fly, le single "Shake your foundations", qui sonne bien en live. Le reste est un "best of" agrémenté de "Jailbreak" ("74 Jailbreak "est sorti un peu plus d'un an plus tôt), qui ressurgit des oubliettes et sert de cadre au strip d'Angus (cf Live in Donington 91, même topo) ... et amputé de "Hell's Bells", à ma grande déception, sans doute une affaire de cloche impossible à suspendre, voire de flemme. 14 morceaux au total, une heure et demie quand même, avec deux très longs solos autour de Let there be rock (un peu longuets, jugera le père de mon copain).

Vu que cela fait presque 23 ans, je ne garde que des impressions et quelques images : les solos en question, des moments très forts comme "Whole Lotta Rosie", l'overmorceau du groupe, qui à l'époque n'a que 9 ans (c'est un peu comme les morceaux de Stiff upper lip aujourd'hui !), "Dirty Deeds" (Angus qui ne joue que de la main gauche) ou "TNT" (qui maintenant me sort par les yeux, surtout dans l'interprétation bourrin qu'ils en proposent en concert, mais je comprends les fans qui veulent l'entendre live). "For those about to rock", end of the story. Canons.

Au final : un lightshow de groupe moyen, aucun gimmick hormis de vagues canons, juste du rock, du rock et encore du rock. Rien à voir avec le show actuel ni même l'époque "Razor's Edge" (cloche, canons, poupée gonflable, dollars Angus sur Moneytalks ...) pourtant bien sobre en comparaison avec les shows actuels. J'ai lu quelque part sur ce site qu'Angus en rêvait : une tournée "à l'os"; en 85-86, c'est ce qu'ils faisaient. Juste un groupe de hard débordant d'énergie, aux compos impeccables, au son terrible, au look inimitable.

Rétrospectivement, je dois avouer une pointe de fierté d'avoir soutenu AC/DC à cette époque-là. Même si nous étions quand même encore quelques centaines de milliers, le succès commercial semblait définitivement perdu, et AC/DC survivait sur sa réputation de putain de groupe de scène uniquement. C'est ce qui les a sauvés ! Dès "Who made who", un frémissement; "Blow up": une chute stoppée ; et la renaissance "Thunderstruck", qui ne s'explique pas (la chanson est un hymne, mais l'album est inégal, moins bon que "Flick" selon moi) ... sauf à considérer ce qu'AC/DC était sur scène, un soir banal dans une ville moyenne dans une salle bien triste, un 4 février 1986 : un groupe du feu de dieu !!!

stuttgart86_00.jpg Set List:

  1. Fly on the Wall
  2. Back in Black
  3. Shake your Foundations
  4. Dirty Deeds Done Dirt Cheap
  5. You shook me all Night long
  6. Sin City
  7. Jailbreak
  8. The Jack
  9. Shoot to Thrill
  10. Highway to Hell
  11. Whole Lotta Rosie
  12. Let there be Rock
  13. TNT
  14. For those about to rock

Iangillan





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