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Interview d'Angus Young au sujet de Bonfire (Rock & Folk 01/98)


Plusieurs d’entre vous se sont intérrogés sur l’origine des morceaux inédits de Bonfire !
Voici une interview d’Angus Young lors de la sortie de coffret ce coffret en 1997, témoignage ultime de l’ère Bon Scott.


Aviez-vous un choix étendu en matière d’inédits ?
Angus Young : On avait pas mal d’idées ou de bouts de chansons en vrac, mais pas tant de morceaux finis. Souvent, pour un album, on a 30 ou 40 Bonnes idées de chansons et on en retient qu’une dizaine. Nous avons eu pas mal de recherches à faire. Il fallait vérifier l’état des supports. Car certains morceaux étaient biens, mais les bandes étaient moisies. Il a fallut en retraiter certaines, ce qui change un peu le son, mais il faut parfois lâcher un peu de lest si le résultat final est à la hauteur. Cela faisait des années que les fans réclamaient des inédits, particulièrement depuis la mort de Bon. Nous espérons que cela les comblera. A moins qu’ils ne se disent : « Ils nous ont donné quelques friandises, pourrait-on en avoir davantage (rires) ? ».

Avez-vous retrouvé les chansons dont vous ne vous rappeliez même pas l’existence ?
Je savais qu’elles existaient, mais parfois il faut un détail qui provoque un déclic dans votre mémoire. On ne se souvenait pas toujours d’un titre précis mais on se rappelait avoir enregistré dans tel ou tel studio. Il a fallut se livrer à un travail de détective, et il y a des bandes qui ont été tout Bonnement mal archivées, voire disparues.

Pourriez-vous décortiquer les inédits en studio, en commençant par « Dirty Eyes » ? D’où est-ce que ça sort ?
Bon avait ce titre. On était en Angleterre à l’époque, aux alentours de 1976, Malcolm, Bon et moi, on s’amusait, je crois que mon frère George était là aussi. On a fait une version en studio, avec d’autres démos brutes, mais on a plus finalisé celle-ci. C’était le début de ce qui allait devenir « Whole Lotta Rosie ». On a gardé ce qu’on préférait dans la chanson.

Les riffs sont effectivement similaires et quelque peu réminiscents du « No money down » de Chuck Berry …
C’est bien possible. Pour Malcolm, Bon et moi, Chuck Berry est comme un père. Bon disait toujours : « En matière de rock’n’roll, il faut en revenir à Chuck Berry, Little Richard, et aux autres pionniers, le reste compte pour du beurre. » Lui et moi, on jouait toujours du Chuck Berry et du Little Richard, et il jugait tous les chanteurs par comparaison avec ce dernier. Une chanson comme « Jenny, Jenny, Jenny » a été bouclée en une prise, avec ce type qui hurlait comme personne, à toute blinde. Je crois que le monde moderne ne se rend pas compte de ce qu’il a perdu, ce ne serait plus possible aujourd’hui. Quant à « No particular place to go « , il y a une vraie magie : le son est superbe, les paroles sont malignes, tu entends l’interaction entre les musiciens …

« Touch too much » ?
Ce n’est pas une maquette mais une version définitive qu’on n’avait pas retenue. Je crois qu’on l’a enregistrée en 1977, pour « Powerage ».

Le refrain est assez différent de la version « Highway To Hell », plus linéaire, sans le côté hymne à reprendre en chœur.
Oui, la chanson n’était pas mauvaise, c’est d’ailleurs pour cela qu’on y est revenu, mais on sentait bien qu’il lui manquait un petit quelque chose. Cela nous arrive tout le temps. Un jour, on a eu une nouvelle idée et on se rend compte qu’elle complètera bien un morceau laissé en plan. Les cartes tombent en place toutes seules, sans qu’on ait fait d’effort à fournir, et on sait alors que c’est Bon.

« If you want blood » ?
Ca fait partie d’une poignée d’idées qu’on avait avant de se mettre à « Highway To Hell » et de travailler avec Mutt LANGE. La version est assez différente et nous avons donc pensé qu’elle pouvait intéresser les fans.

« Get it up » ?
C’est un autre de ces morceaux qu’on avait enregistré en Australie avant « Highway To Hell » puis on est parti pour Miami, en Floride, pour répéter et écrire et ça a pas mal bougé en cours de route.

« Back seat confidential » ?
C’est un titre qui a attiré l’attention de mon frère George. On était en Australie, en train d’enregistrer, « DDDDC », quand il a jeté un coup d’œil sur ce carnet dans lequel Bon notait ses idées de texte. Dès fois, Bon notait juste quelques lignes, où il pouvait y avoir toute une histoire, sans que le titre soit compréhensible, genre « Tel Quel ». George a vu ses lignes et c’est dit : « C’est une Bonne idée de chanson ». C’est parti de là. Plus tard, la chanson est devenue : « Beating Around The Bush ». Bon était un grand fan de rock’n’roll et si on trouvait quelque chose d’évocateur des années 50, ça lui plaisait.

Cela fait faire réfléchir ceux qui vont considèrent comme un groupe assez primaire et monolithique de découvrir que vos chansons évoluent et mûrissent.
Oui. Parfois, il y a une chanson qu’on joue, qui peut être un blues ou un morceau lent. Et un jour, des années plus tard, on peut avoir un étincelle particulière dans son jeu et on se dit alors : « Je peux peut-être essayer ça ». Depuis nos débuts, nous nous décarcassons pour composer des chansons qui tiennent le coup. La musique en général, le rock’n’roll en particulier. C’est autre chose que de trouver un gimmick et de l’exploiter jusqu’à plus soif.

Bon était vaiment un Bon parolier, dans la pure tradition du blues, avec des tas de double sens, beaucoup d’humour.
Il était espiègle. Quand il te regardait avec ce sourire, tu savais qu’il avait une idée derrière la tête. Lorsqu’il écrivait, il venait nous trouver, Malcolm ou moi, pour nous demander : « Alors tu trouves ça bien ? ». On regardait et on lui répondait : « Bon, ce bout-là est super ». Il repartait peaufiner son texte. Bien qu’il ait souvent plaisanté en racontant : « Mes textes ! Je trouve ça sur des murs de chiottes », il en était finalement très fier. Il avait commençé comme batteur, donc, il prenait garde pour que les mots tombent juste rythmiquement. Il remanait ses textes jusqu’à ce qu’il sente qu’il ne pouvait vraiment plus les améliorer et s’il était coincé, il nous demandait un coup de main. Malcolm, George et moi nous concertions. Mais une fois qu’il était sûr de son coup, il disparaissait, et, deux heures plus tard, il se repointait avec un texte ciselé aux petits oignons, presque une œuvre d’art. Il était vraiment doué.

Est-ce une légende ou a-t-il vraiment commençé comme chauffeur du groupe ?
Avec Malcolm on était allés à Adélaïde, dans le Sud de l’Australie, où il habitait à l’époque, et un ami lui avait demandé : « Ces types sont tout jeunes, tu veux les piloter ? » Bon avait entendu notre disque à la radio, il savait aussi qui on était. Il a répondu : « Oui pourquoi pas ? », et il est resté avec nous à partir de ce moment. En fait, il voulait devenir notre batteur. Il nous a dit : « Venez avec moi, j’ai un petit studio, je veux jouer de la batterie. » Malcolm lui a répliqué : « Tu chantes super bien, on a besoin d’un vrai chanteur de rock’n’roll ». Et il a répondu : « Euh, il faut que j’y réfléchisse ». On est partis une semaine pour faire des concerts dans les bars et les clubs et quand on est revenus, il nous a dit : « OK ça marche ». Et il a adoré, car, pour la première fois, il a vraiment pu être lui-même. Jusqu’à là, il avait dû se fondre dans des rôles qu’on lui assignait. Et en plus, il était bien meilleur chanteur que conducteur (rires).

Est-ce que son intégration a été facile à vivre pour lui et pour vous, sachant qu’il était un peu plus vieux, qu’il avait plus d’expériences ?
Tout de suite, on s’est bien marrés avec lui. Je crois que Malcolm et moi étions les deux personnes avec qui il parvenait complètement à s’entendre. On pouvait être assez déchaînés, nous aussi (rires). On y a jamais vraiment réfléchi. Il était éternellement jeune à mes yeux et je crois que ça l’éclatait. Il y avait des grincheux pour dire : « Regardez-moi ce type ! Il se prend encore pour un gamin, ou quoi ? » Et lui : « Ouais super ! ».

Avez-vous eu le sentiment de le voir changer à travers les années ?
Bon était Bon un point c’est tout. Il disait : « Euh, je vais sortir avec une fille ce soir » et on le voyait s’asseoir dans un coin, tout tranquille. Je me disais : « Ce n’est pas lui ça ». Mais vers la fin de la soirée, les tables volaient dans tous les coins,et là je le reconnaissais. De temps en temps, il essayait de se calmer un peu mais ça ne durait pas. Il ne faisait jamais rien de façon calculée, pour l’effet que ça pouvait produire. S’il essayait un jeu de scène et qu’il ne se sentait pas à l’aise, il laissait tomber tout de suite.

Est-ce vraiment Bon qui joue de la cornemuse sur « It’s a long way to the top » ?
Oui, il avait dit à George qu’il savait en jouer et George lui a répondu : « C’est ce qu’on va voir (rires) ». Il jouait de la caisse claire quand il était petit, dans un highland band et il avait appris à se débrouiller à la cornemuse avec un des musiciens de l’orchestre. Mais George a prévenu : « Attention, vas falloir que ça sonne rock’n’roll ou ça ne vas pas le faire ». Si tu écoutes bien, c’est de la cornemuse mais utilisée comme saxophone, de la cornemuse qui swingue. Et ça sonne d’enfer.

Après la mort de Bon avez-vous pensé à tirer l’échelle ?
Oui, mais Malcolm a réagi tout de suite en me disant : « Ecoute on a des chansons, on était en train de travailler dessus, et on a va continuer et on verra bien ». Et c’est ce qu’on a fait. Quand les morceaux ont été finis, il a fallu un chanteur. C’était notre album pour Bon et on y tenait, et si rien ne devait se passer ensuite, et bien on verrait, tant pis. En plus, on était sûrs qu’il aurait trouvé ça bien, de ne pas jeter l’éponge, c’était un battant. Quand il est mort, il était sur le point d’écrire les textes sur les musiques qu’on avait, Malcolm et moi. La dernière chose qu’on ait faite cette semaine-là, c’est de jammer pour le plaisir, Bon à la batterie. Il est assez ironique que, la première fois où on ait joués ensemble, il ait été à la batterie et que, quand il nous a quitté, il était encore assis derrière le kit, c’est même assez troublant. Je m’en rends compte maintenant, comme si la boucle avait été bouclée.

Vous avait-il vraiment parlé de Brian Johnson ?
Oui, Bon m’avait raconté ce concert qu’il avait fait avec Geordie et, plus tard, Brian Johnson m’a également parlé de ce show avec l’ancien groupe de Bon (Fraternity). On était assez désorientés et je me suis dit : « On va rechercher ce type car si Bon aimait ce qu’il faisait, c’est qu’il doit vraiment avoir quelque chose ». Ce n’est pas si fréquent qu’un chanteur fasse des compliments sur un autre vocaliste. Brian adorait Little Richard. C’est d’ailleurs pendant qu’on écoutait des disques du Révérend Penniman que Bon m’en a parlé. C’est resté gravé dans ma tête et aussi on a eu l’idée d’aller chercher Jonna.

Tiré partiellement du Magazine « Rock’N’Folk » de Janvier 1998.

 

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