Non, AC/DC n'étaient pas à Paris pour monter une nouvelle fois en haut de la Tour Eiffel, ni pour goûter notre vin si réputé (ils préfèrent la bière de toutes les façons). Non, la vie de rock-star n'est pas des plus faciles et ne consiste pas seulement à faire des tournées, elle n'est pas toujours une partie de plaisir ! Or, cette fois-ci, c'était plus qu'une partie de plaisir pour ces messieurs que de se retrouver en notre charmante compagnie. Quant à nous deux, nous frôlions le septième ciel jusqu'à ce que notre magnétisme nous ayant abandonnées, Malcolm et Brian décidèrent sans appréhension aucune que notre maquillage valait bien quelques retouches. Quoi de mieux qu'une délicieuse tarte maison ! ….
Metal
Attack - L'Europe est sans l'ombre d'un
doute l'endroit rêvé pour AC/DC ?
Malcolm Young - surtout en cette
période de l'année ; ça
change. Ca fait du bien de pouvoir faire quelques concerts ici en
été. D'habitude il fait froid, il fait triste et
c'est dommage parce que c'est notre home, plus que l'Australie.
MA - Comment expliques-tu les quelques réserves émises par de nombreux fans d'AC/DC au sujet de « Flick Of The Switch » ?
MY - Je ne sais vraiment pas. Cet album est ce que le groupe voulait faire à ce moment. Oh oui, nous aurions très bien pu faire un album plus commercial, un peu dans la lignée de ce que font tous les grands noms actuellement et peut-être que le public aurait raccroché mais non, cela n'aurait pas sonné vrai. En tout cas, les admirateurs incontestés du groupe ont apprécié l'album, peut-être pas au même titre que nous, mais presque.
« Flick Of The Switch » est un album de hard rock dans tous les sens du terme et pour cela bien évidemment, il ne se prête pas vraiment à la conception des radios.
Nous n'avons jamais pensé devenir un groupe au succès démesuré. Nous avons beaucoup de succès, tant mieux, mais nous faisons en sorte qu'il n'agisse pas sur nous, qu'il n'influence pas le groupe.
M.A - Y a-t-il
pour toi une différence entre le public européen
et le public américain ?
Brian Johnson - A
la base, tous les publics sont les mêmes. La
différence entre les deux réside, je crois, dans
le fait que les américains ont tout de même plus
d'argent. Un concert ne représente donc pas autant pour un
kid américain que pour un kid européen. Nous nous
sentons dans l'obligation d'en donner encore plus lors des
tournées européennes car nous savons qu'il y en a
qui triment afin de s'acheter une place. Les américains
boivent relativement beaucoup avant les concerts ;
ça c'est une autre différence.
M.A
- Oui, mais il
faut avoir au moins 19 ans pour boire aux States, même 21
dans certains états
B.J. - Oh,
arrête ! Ils trouveront toujours des moyens pour
boire. Ils ne sont pas idiots, ils ont de bonnes combines. Tiens, j'ai
quand même remarqué autre chose, c'est fou ce
qu'il peut y avoir comme embouteillage lors d'un concert aux U.S.A.
M.A - Beaucoup
plus de nanas également dans les concerts de rock
….
B.J. - Oui mais
alors là, les américaines, je
préfère ne pas en parler. Les
européennes sont bien mieux. Après un show, elles
viennent voir le groupe, on prend un pot, on discute et c'est tout.
C'est bien plus sympa. Les américaines, pffft …
On se demande parfois ce qui leur passe par la tête.
M.A - Que
ferais-tu si tu étais le maître du monde ?
B.J. - Oooh, c'est
bizarre comme question …. Mmmmmh je crois que je serais
à la tête de toutes les brasseries du monde.
J'irais toutes les visiter pour voir que tout se passe bien et
vérifier la bonne qualité de la bière.
M.A - Quel effet
cela vous fait-il d'être tête d'affiche
à Donington surtout que Van Halen joue avant vous ?
B.J. -
Tête d'affiche ou pas, on s'en fiche. Nous ne nous
arrêtons jamais à de telles futilités.
Nous montons sur scène et donnons le meilleur de nous
mêmes. Nous ne pensons pas du tout à l'ordre de
passage des groupes. Dans le rock, il ne faut pas penser à
ça.
M.Y. - Cela dit, nous avions déjà participé à ce festival il y a quatre ans.
M.A - La
popularité du groupe s'étant forgée
à l'époque de Bon Scott, ne crois-tu pas que
votre public exerce à présent une certaine
pression sur le groupe en souvenir de Bon ?
M.Y. - Il est vrai
que dans son histoire AC/DC a eu des moments difficiles, voire
dramatiques. Après le
« départ » de Bon,
beaucoup ont pensé qu'il valait mieux, pour la sauvegarde de
la légende, prendre sa retraite, même nous. Mais
que pouvions-nous faire d'autre ? Il fallait continuer. Bon a
sué dur pour AC/DC, cela aurait été
injuste de tout laisser s'écrouler comme un
château de cartes ; d'autre part Brian
s'avère un excellent homme de scène comme un
excellent chanteur. Quand je repense à Bon, on pourrait pu
écrire des bouquins et des bouquins sur ce type …
Je me souviens qu'on l'appelait souvent
« Bonlikable » parce qu'il
faisait rire tout le monde, mettait tout avec tout le monde, qu'il
s'agisse de personnes âgées, de
grand-mères promenant leur petite fille dans la rue ou
d'hommes d'affaires dans quelque grande ville que ce soit. Il avait ce
magnétisme, cette chaleur humaine … Avec beaucoup
de plaisir et beaucoup de peine, il poursuivit : il adorait
mon petit frère, il le considérait un peu comme
tel d'ailleurs.
M.A - Vous
enregistrez en ce moment ; pensez-vous réaliser un
live sous peu ?
M.Y. - On aimerait
bien mais ce serait injuste vis à vis de Bon parce que Brian
aurait à chanter pas mal de chansons de Bon. On enregistre
celui-là, ensuite peut-être que nous en ferons un.
M.A -
« Back In Black »
était-il un hommage à Bon ?
M.Y. -
C'était bien plus que cela parce que la plupart des morceaux
avaient été écrits du vivant de Bon.
Nous avions bien sûr décidé de lui
dédier un morceau « Back In
Black » parce que le groupe revenait mais en deuil
cette fois.
M.A -
Considères-tu Bon toujours comme le père
d'AC/DC ?
M.Y. - Oui, il le
restera. C'était le personnage le plus sage que je n'aurais
jamais rencontré. Son intuition était sans faille
et sans lui au départ, AC/DC courait à sa perte ..
M.A - Comment
as-tu ressenti la différence qu'il y a entre
galérer dans des petits clubs avec Geordie et aller
d'arène en arène avec AC/DC ?
B.J. - Ca montre
que rien n'est impossible. J'espère que les gens qui liront
ça se rendront compte qu'il ne faut jamais
désespérer et qu'avec un minimum de talent, on
peut arriver à beaucoup. De toutes les façons, je
n'étais pas malheureux avec Geordie ; nous
étions relativement connus et je m'éclatais bien.
Tandis que Malcolm en ajoutait un peu plus sur Bon Scott.
M.Y.- Il fait partie de ces gens qu'on oublie pas. J'aime parler de lui, je trouve fantastique qu'on ne l'ait pas oublié …« Dieu Jésus Marie. J'aurais jamais cru qu'on m'adorait autant, dit-il en imitant Bon. Il ne s'est jamais considéré comme un homme de talent et n'avait rien du faux modeste.
M.A - Que
penses-tu de la scène rock en ce moment ?
M.Y. - Elle est un
peu rance à mon goût. Elle se durcit en ce moment
aux U.S.A. mais reste trop commerciale et cela nuit à
l'image même du vrai rock'n'roll, c'est du pop-rock
sophistiqué pour moi. Je préfère
écouter des vieux trucs des sixties du style Little Richard,
Jerry Lee Lewis ou même des œuvres classiques,
parce qu'elles ne prennent pas et ne prendront jamais une ride. Je dois
te paraître vieux-jeu mais je ne suis pas très au
courant de ce qui se fait actuellement. J'écoute ce que j'ai
envie d'écouter, ce que j'aime, sans me
préoccuper du style que ce soit rock, punk,
métal, classique … Si j'aime, tant mieux, si je
n'aime pas, je passe.
M.A - Dis-moi
Brian, comment expliques-tu que ton succès
instantané ne t'ai pas donné la grosse
tête ?
B.J. - Quand je
vois des types qui deviennent relativement populaires et qui chopent la
grosse tête, ça me fout en l'air.En plus, la
plupart s'habillent ridiculement. Nous, nous n'avons pas besoin
de tout ça. La musique parle d'elle-même
et cela suffit largement.
M.A - Y a-t-il
une
question que je ne t'ai pas posé et à laquelle tu
aimerais répondre ?
B.J. - Ca, c'est
le type de question que poserait un irlandais (NDLR : un
Irlandais est pour un Anglais ce qu'un Belge est pour un
Français …) Tiens, ça me rappelle ..
Nous étions à Dublin (en Irlande) et
après avoir sorti mes valises du taxi, le portier de
l'hôtel m'a dit : « Suivez-moi,
je suis derrière vous …. ».
Après quelques rires, j'aventurais la question suivante :
M.A - Y a-t-il
une
anecdote particulière d'une tournée que tu
aimerais nous raconter ?
B.J. - Ooh, il
s'en passe tellement, tu sais. En partant pour notre
dernière tournée, nous nous apprêtions
à décoller quand tout à coup, un des
moteurs de l'avion a explosé. Je n'ai jamais eu aussi peur
de ma vie. Une chose qui m'arrive aussi assez souvent, c'est de me
prendre le pied dans le fil du micro et de m'étaler
complètement sur la scène. Une fois
même, je me suis pris les deux pieds à la fois,
j'ai trébuché et je suis resté
suspendu en l'air au-dessus des premiers rangs. Les kids avaient tous
les mains levées au cas où je tomberais. Ils ont
été fantastiques, merveilleux.
M.A - Un dernier
petit mot pour les hard rockeuses en France ?
M.Y. - French
female headbangers ? Oh,
on ne me l'a jamais posée celle-là. Et bien, if
you want to bang your head, you may as well get you tits out (parce
qu'il est plus agréable de voir des seins bouger que des
têtes je crois).Nous pensons sérieusement que
nombre d'entre-vous seront d'accord avec cette déclaration.
En attendant, la simplicité et le flegme dont ce groupe fait preuve ramène le rock à sa juste valeur et pour ceux qui n'auront pas eu la chance de les voir aux différents festivals cet été, dites-vous bien qu'AC/DC est loin d'en être à son dernier mot puisque le groupe entreprend une tournée gigantesque une fois leur prochain L.P. achevé. Si « Flick Of The Switch » n'a pas eu le succès escompté, souhaitons que le nouveau né parvienne à rejoindre les légendaires « Highway To Hell » et autres.
Les petites conversations du jour reprirent le dessus une fois l'entrevue achevée tandis qu'une superbe tarte aux pommes fourrée de crème pâtissière et saupoudrée avec excès de sucre glace attendait patiemment d'être dégustée lorsque finalement Malcolm et Brian prirent la sage décision de nous inviter dans un petit salon privé, loin des regards indiscrets.
Cette petite réunion intime ne dura que peu de temps pour s'achever dans le plus beau des ridicules. A malignes, malignes et demi, ils ont été plus rapides que nous et la délicieuse pâtisserie a vite fait de remplacer le fond de teint.
Une semaine plus tard, alors que je descendais paisiblement l'Avenue d'Onderrata, j'eus l'agréable surprise de rencontrer Brian et Malcolm sac de plage et serviette sur l'épaule qui flânaient ça et là, l'esprit dégagé, le visage reposé.
Ce soir-là, (samedi 8 août), AC/DC donnait un concert, l'unique concert préciserai-je, en Europe avant les dates de festivals, au Vélodrome d'Anoeta où plus de 7.500 personnes de chaque côté de la frontière vinrent les applaudir.
Qu'ai-je retenu de ce concert sinon qu'il fut mémorable aussi bien côté scène où le groupe exécuta outre ses plus grands classiques, y compris des morceaux de « Flick Of The Switch » (album bien mieux accueilli en Espagne qu'en France) une prestation scénique presque insoutenable de part l'énergie qu'elle révéla.
Foudroyé par un flot d'adrénaline en provenance de la scène, l'hystérie ne se fit pas attendre au sein du public. Il faisait chaud, il faisait lourd, le son n'était pas spécialement au point mais après plus de trois ans d'absence sur une scène espagnole, et à fortiori basque, il est bon de les retrouver là où beaucoup pensent qu'il ne se passe rien et Brian d'ajouter : « je crois qu'on a fait plus fort que l'E.T.A. » (Organisation quelque peu violente qui fait parler d'elle assez souvent au Pays Basque …).