R&F : Brian, la légende affirme que tu tes joint à
AC/DC grâce à des fans américains qui te connaissaient par
ton groupe précédent, Geordie, et qui auraient parlé de
toi à Peter Mensch, le manager du groupe. Quen est il exactement
?
BJ : Cest en partie vrai. Un groupe de fans de Chicago a téléphoné
à Peter pour me suggérer comme remplaçant possible de Bon
SCOTT, mais ils nont pas été les seuls. De son côté,
Mutt Lange, le producteur de « Highway to Hell » et de « Back
in Black » a pensé à moi, et son avis a compté. Beaucoup
de noms ont été cités. Avant de me rencontrer, les boys
sapprêtaient à auditionner des dizaines de chanteurs. Cest
la chance de ma vie davoir décroché le job.
R&F : Quest ce que ça fait de se retrouver dans lun
des groupes les plus populaires du moment ?
BJ : Une foutue surprise. Cest venu tout dun coup, je ne my
attendais pas. Jétais juste en train de remonter une nouvelle formation
de Geordie chez moi à Newcastle. Quand jai annoncé la nouvelle
à mes potes, ils ne voulaient pas me croire. Ce que japprécie
le plus, cest que cest une expérience vraiment nouvelle pour
moi. Ce nest pas comme si javais fait cela toute ma vie. Daccord,
AC/DC nest pas mon premier groupe mais rien nétait comparable
dans ce que jai pu faire avant. Je nai pas eu le temps de réaliser
tout de suite ce qui marrivait. On a commencé par répéter
deux ou trois semaines.
AY : Même pas ! On a du réduire les répétitions
à une semaine. On cherchait à entrer le plus vite possible dans
un bon studio, et cette occasion denregistrer aux Bahamas sest présentée
ce qui a tout précipité.
BJ : Et puis on a embrayé sur la tournée en Juin. Demblée,
jai été frappé par lefficacité de toute
léquipe, pas seulement du groupe que jai rencontré
deux ou trois fois avant de travailler ensemble, mais aussi de tous ceux que
lon ne voit pas et qui font marcher AC/DC, les roadies. Et lentente
a été immédiate, jai été adopté,
cest très important pour moi. Je sui heureux avec AC/DC. A partir
du moment où je fais du rockn roll, ça me plait. Ce nest
pas comme bosser en usine (clin dil)
R&F : Tu nas pas eu le trac dintégrer le groupe dans
des circonstances hum, délicates ?
BJ : Si, bien sûr. Le plus curieux, cest que le trac nest
pas venu dès le début, mais au bout de cinq ou six jours de tournée
américaine. Il ma fallu ce temps pour que je me rende compte de
la tâche à accomplir, pour que je réalise quil y a
tous ces gens qui vous attendent et comptent sur vous. Je navais pas la
moindre idée de la popularité dAC/DC en France, en Allemagne
ou aux Etats Unis. Pour moi, cétait uniquement un phénomène
britannique. Et encore, je navais jamais vu le groupe sur scène,
je ne le connaissais que par les disques. Finalement, cest aussi bien.
Je crois que les kids en France nen ont rien à foutre quAC/DC
marche autre part que chez eux ou pas. Cest ce quil y a de chouette
chez nos fans : ils nous jugent par eux-mêmes, ils se tamponnent le coquillard
de ce que peuvent penser les autres. Le suis certain quici, en Angleterre,
il ny a pas un quart de notre public qui sait que « back in Black
» est dans le top 10 aux States. Ils viennent passer un bon moment avec
nous, un point cest tout. Nous ne sommes pas un phénomène
de mode.
R&F : Trouves plus facile de chanter les chansons du dernier album,
que tu as écrites, que celles de Bon ?
BJ : Non, je les trouve très simples à chanter parce que pour
moi, elles sont des classiques. Pour « Let there be rock », par
exemple, il suffit de se laisser porter par le riff, et les paroles parlent
delles mêmes.
R&F : Tu es né avec une casquette sur la tête ?
BJ : presque ! A Newcastle et plus généralement dans le Nord
de lAngleterre, en pays minier, tout le monde portait ce genre de casquette
jusquil y a une vingtaine dannées. Mon père en a toujours
une rivée sur la tête, sauf pour les grandes occasions où
il met un triby (chapeau mou).
AY : Mon père est pareil : il ny a pas moyen de lui faire
franchir le pas de la porte de chez nous tête nue.
BJ : Cest léquivalent du béret français.
Pour ma part, jai eu lidée dadopter la casquette sur
scène parce que sinon, la sueur me coule dans les yeux. Et cest
un détail qui a une signification pour moi, de conserver quelque chose
de lendroit où je suis né. Ce nest pas un gimmick
pour me donner une image depuis que je suis avec AC/DC. Dailleurs, la
première fois que je les ai rencontrés, je lavais déjà
(Angus opine de la tête). Au début, je réussissais à
la garder tout le set, mais elle narrête pas de tomber. Et lont
finit par se sentir con à passer la moitié de son temps à
quatre pattes pour ramasser sa casquette. Cest plus fort que moi, dès
que jentends le riff de « Shot down in Flames », je baisse
la tête et cest fini.
R&F : Comment sest passé lenregistrement de «
back in Black » à Nassau ? Vous avez profité du soleil ?
AY : Pas trop hélas. Tous les jours on était bouclé
en studio, cétait presque la prison.
BJ : Si tu tiens à savoir la vérité, on sest
fait chier comme des rats.
AY : mais enfin, cétait nécessaire. Dêtre
à des milliers de kilomètres de ses connaissances, de toute distraction,
cest encore le meilleur moyen de réaliser un bon album. On peut
dire quon la transpiré « Back in Black », on
y a mis tant de temps et defforts ! Mutt est un producteur très
exigeant, et il nous fallait refaire nos preuves. On a quand même eu le
temps de chasser le serpent de mer.
R&F : Le succès de BIB vous a-t-il particulièrement touchés
?
AY : oui, car cest un miracle que le groupe ait réussi à
remonter la pente après ce qui est arrivé à Bon. Je dois
dire que tout le monde a été très gentil avec nous. Je
crois en fait que pas mal de gens nous aiment encore plus parce que nous ne
nous sommes pas laissés abattre par le destin, et que nous sommes quasiment
repartis de zéro. Lalbum lui-même est dédié
à Bon. Du titre jusquà la pochette, cest un hommage
quon lui rend. Dans un sens, son accident a encore resserré les
liens à lintérieur du groupe. Je suis heureux que nous continuions.
R&F : Lidée de la séparation ne vous a pas effleuré
?
AY : Si, mais elle a été vite rejetée. Ce serait
très dur pour moi de marrêter. Je suis jeune, le groupe aussi,
et nous faisons ce que nous aimons. Jai du mal à mimaginer
être chose que le guitariste dAC/DC. Je suis persuadé que
si laccident était arrivé à quelquun dautre
que Bon, nous aurions pris la même décision. Bon naurait
pas jeté léponge. Parce que nous sommes vraiment soudés.
Dans nimporte quelles circonstances, nous avons toujours essayé
de faire face, nous navons jamais laissé tombé personne.
Bien sûr la perte de Bon nous a bouleversés, nous avons éprouvé
le même chagrin que si un frère nous avait quittés. Mais
la vie continue.
R&F : Quand tu dis que vous navez jamais laissé tomber
personne, tu penses au public ?
AY : Oui, il constitue notre raison dêtre. Nous respectons les
kids, profondément. Si nous voyons des videurs harceler des mômes
simplement parce quils séclatent ou quils essaient
dentrer en contact avec nous les stoppons. Cest pareil pour ceux
qui montent sur scène. Je sais que dautres groupes les virent manu
militari de la salle, pas nous. Ils restent backstage, ils ont payé leur
place, ils ont le droit de voir le show.
BJ : Ils ne font de mal de personne, ils ne sont jamais agressifs, au
contraire : ce sont nos fans les plus acharnés, cest normal quils
soient bien traités. Ils sont excités, cest le but de notre
musique. Il suffit de regarder Angus sur scène, ils sont comme lui. Cest
ça le rockn roll, la meilleure foutue drogue du monde. Et je dis
bien rockn roll, et surtout pas heavy metal.
AY : Entièrement daccord. Tout vient du rythme, cest
la base et le feeling de ce que nous jouons. Nous voulons que les gens ressentent
physiquement lénergie que nous dégageons. Chaque watt.
R&F : Tu nas jamais peur quand tu te promènes au milieu
de la foule ?
AY : Cela marrive ; cest dangereux parfois dêtre
au cur dun maelström humain qui bouge dans tous les sens. Cet
été en Amérique, il y a une fois où jai bien
cru que lon ne me laisserait jamais regagner la scène. Jai
dû rester une demi heure sur les épaules du roadie qui me porte,
heureusement que je suis un poids plume ! Je faisais au revoir de la main au
reste du groupe. La tradition de la promenade dans le public remonte à
nos débuts. On écumait les bars, les bouges les plus louches.
Dans ce genre dendroit, les gens viennent avec une seule idée en
tête, se saouler. Alors pour leur faire lever la tête de leur verre,
il ny a quune solution, les provoquer par tous les moyens. Cest
ce que je faisais, et ça se terminait souvent en bagarre générale.
Je sautais de table en table et je mordais les jambes de ceux qui restaient
assis !
R&F : Explique moi comment un garçon calme comme toi peut se
transformer en
la créature que tu deviens sous les spotlights
?
AY : Je ne le sais pas moi-même. Dès que je me retrouve
devant un public, quil y ait dix ou 10.000 personnes, je ne me reconnais
plus. Il suffit que je pose le pied sur scène pour ressentir un rush
dadrénaline, jéclate littéralement. Cest
une sorte de transe, un autre aspect de ma personnalité qui remonte à
la surface. Comme pour Docteur Jekyll et Mister Hyde !
BJ : Dès quAngus entend la foule, il est intenable, il est
vraiment dans un état second, cest à peine quil se
rend compte de ce qui lentoure.
R&F : Quelle est votre ultime ambition pour AC/DC ?
BJ : De jouer au Shea Stadium, pour faire comme les Rutles !