L’interview proposée ici est parue dans le numéro 2 du magazine Ecoute(1) de décembre 1978. On la retrouve également sur l’insert(2) du bootleg vinyle « Lauderdale ‘77 » qui a fait surface il y a quelques temps.
Le simple fait d’avoir quitté le soleil de leur Australie natale pour venir faire du rock sur notre vieux continent pluvieux, justifiait qu’AC/DC s’y fasse une place au soleil parmi les hard-boogie bands. Musique simple qui n’a d’autre but que de vous faire danser, je comptais bien en profiter au maximum en prenant la route d’Anvers. Mais….
C’est l’inimitable chanteur du groupe qui a répondu à quelques questions, pas toujours de manière convaincante….
ECOUTE :
La
cote d’AC/DC est en hausse très nette dans notre
pays (3)
Vous êtes même l’un des groupes les plus
populaires.
Es-tu au courant ?
BON
SCOTT :
Oui, nous nous rendons compte de cela, dans la mesure où les
deux premières fois que nous sommes venus ici, nous avions
pu
profité de la notoriété de Rainbow et
Black
Sabbath pour avoir notre petit succès. A présent,
nos
disques se vendent très bien et nous passons en
tête
d’affiche. Avec succès ! C’est
ainsi que pour le
concert que nous avons donné à Paris il y a deux
jours,
nous avons du refuser 1.500 personnes. Là, nous avons tout
de
même été un peu
étonnés. (4)
ECOUTE :
Je
pense que la popularité dont vous
bénéficiez
actuellement provient davantage de votre travail que de
l’aide de
la presse. D’accord ?
BON
SCOTT :
Dans chaque pays, certains journalistes nous adorent,
d’autres nous
détestent. Bof , je n’accorde pas
tellement
d’importance à ce que la presse raconte.
Effectivement, le
groupe travaille dur pour y arriver et c’est du groupe que
doit
venir la gloire et peut-être la richesse. Aussi, est-ce au
groupe que j’accorde tout mon crédit. En parvenant
au succès
de cette manière, je crois que les gens
n’oublieront pas
AC/DC.
ECOUTE :
Et
comment le rêve a-t-il commencé ?
BON
SCOTT :
Tout est parti de Malcolm Young. Il avait obtenu un engagement pour
jouer du Rock&Roll dans un Night Club à Sydney. Il a
alors
pris son frère Angus avec lui et d’autres
musiciens. Comme
ça marchait pas mal, cette formation est
réellement
devenue un groupe en 1974. Mais les Young ont changé le
personnel au fil des ans, et j’ai été
le premier à
être engagé, puis, il y a eu le batteur et le
bassiste
avant Powerage. Nous sommes très contents de la formation
actuelle et j’espère qu’il n’y
aura plus de changements
car l’entente est vraiment excellente.
ECOUTE :
Quand
on pense à l’Australie, on s’imagine de
vieux mecs pleins
de fric qui se dorent la pilule au soleil. Cette image est-elle
fidèle à la
réalité ?
BON
SCOTT : Non.
En réalité, les gens y travaillent
très dur pour
gagner de l’argent. En retour, ils ont une belle
voiture,
une
maison et un certain train de vie. Mais il est vrai que c’est
un
des pays où la vie est plus facile. En Europe, on ressent
encore les séquelles de la Seconde Guerre Mondiale. Sur le
Contient, ce sont des silences, et en Angleterre, des merdes du genre
« On a gagné la
guerre ! » Et puis,
il y a l’inflation. En Australie, on ne pense
qu’à une
chose : prendre du bon temps. Tous ces trucs politiques, moi,
je
m’en fiche, ça n’a rien à
foutre dans la musique.
ECOUTE :
Comment
se porte le rock en Australie ?
BON
SCOTT :
Il est influencé par la Grande Bretagne et les USA. Du temps
des
Rolling Stones, l’influence venait d’Angleterre.
Pendant la
période Eagles, elle venait des USA. Tout dépend
de
l’influence prépondérante du moment.
Mais malgré
ces influences, les Australiens sont capables de faire quelque chose
de personnalisé.
ECOUTE :
C’est
le cas d’AC/DC ?
BON
SCOTT :
Non, je ne crois pas, actuellement la tendance penche plutôt
vers le « middle of the road ».
Style Abba. Le
Hard Rock n’a pas vraiment la cote. C’est une des
raisons pour
lesquelles nous sommes venus en Angleterre.
ECOUTE :
Les
paroles sont écrites en fonction de ta voix ?
BON
SCOTT :
Peut-être inconsciemment, mais elles le sont
surtout en
fonction de l’agressivité de la musique. Nous
trouvons
l’inspiration dans les choses de la vie, que nous ne prenons
pas
trop au sérieux. Y’a des gens qui
écrivent des choses
sur la politique, d’autres se cassent la tête pour
trouver
des trucs poétiques, mais moi, j’écris
des choses
très simples que tout le monde peut comprendre. En Europe,
les
paroles n’ont évidemment pas le même
impact qu’en
Australie car les gens ne comprennent pas le sens exact. Par exemple,
vois-tu ce que nous voulons dire par « The
Jack » ?
« The Jack » est une maladie que
tu attrapes en
baisant à tort et à travers. Hé
hé, les
filles s’excitent ici lorsque l’on chante
« She’s
got the Jack », mais elles ne savent pas que
ça
veut dire « Elle a la
Gonorrhée ». En
fait, c’est un mot issu d’un jargon australien que
même les
Anglais et les Américains ne comprennent pas.
ECOUTE :
Votre
carrière discographique a démarré en
même
temps que le mouvement punk, ça explique votre
volonté
de choquer les gens ?
BON
SCOTT : Ah,
ma mère n’aime pas mes chansons. Elle
m’envoie tout le
temps des lettres pour me demander d’écrire enfin
une
chanson d’amour. Quand un nouveau disque sort, elle va
l’acheter
pleine d’espoir. Et ce qu’elle entend, ce sont des
trucs du style
« Big Balls » Ceci dit,
j’ai écrit des
chansons telles que « Big Balls »
et « Problem
Child », deux ans avant
l’éclosion du Punk. Deux
ans avant que Rotten ne foute une épingle à
travers son
foutu pif. Et les Clash m’ont fauché
l’idée de
« Problem Child ». On aurait pu
être punk
et avoir beaucoup de succès. Lors de notre
première
tournée anglaise, en plein boum punk, on se demandait qui
viendrait bien nous voir. Y’avait pas un seul punk dans la
salle.
Mais, heureusement, tout le monde n’était pas
punk. Moi, je
ne crois qu’en AC/DC. La mode et ce que font les autres ne
m’intéressent pas.
ECOUTE :
Comment
Angus a-t-il eu l’idée de se produire
déguisé
en écolier ?
BON
SCOTT :
Il voulait simplement être différent. En fait, il
s’agit
de l’uniforme des écoliers australiens. Quand il
revenait de
l’école, Angus fonçait droit
à la répétition,
sans même prendre la peine de se changer. Il a simplement
gardé
cette tenue et il a créé un style. La
première
fois, je l’avais trouvé fou et formidable.
ECOUTE :
Avant
de se quitter, il faudrait résoudre
l’énigme. Que
signifie AC/DC ?
BON
SCOTT : D’une
part, ça veut dire courant alternatif – courant
continu. Par
ailleurs, un AC/DC est un type qui saute alternativement des
gonzesses et des mecs. Nous, on ne saute que des gonzesses, et pas
assez !
(1) : Magazine belge.
(2) : Un insert est une feuille insérée à la pochette intérieure d’un vinyle ou d’un CD.
(3) : Donc, la Belgique !
(4) : Par les infos données par Bon, on peut donc en conclure que l’interview retranscrite ici a été donnée le 26 octobre 1978 juste après le concert donné à L’Arenahall Deurne de Deinze.