"Nous avons toujours été confiants dans le fait que nous
aurions du succès - seulement nous ne pensions pas que cela prendrait
si peu de temps."
Ainsi parle le plus célèbre écolier délinquant du
monde, grattant les jambes les plus photographiées du monde (catégorie
"Pleins de Croûtes"), évoquant la conquête par
AC/DC de la Vieille Angleterre.
Nous sommes assis dans un pub, le jeune Angus sirotant un Coca, vêtu d'un
pantalon en velours défraîchi et d'un T-shirt qui a vu des jours
meilleurs. Par contraste Bon Scott, en jeans serrés, bottes rouges, T-shirt
noir, tatouages et boucle d'oreille se balançant bien en évidence,
semble vraiment resplendissant.
Les gars sont de retour depuis trois jours, déclenchant une mini émeute
à l'aéroport de Sydney, Young et Scott ayant trouvé la
bonne méthode promotionnelle pour mettre tout le monde au courant de
leurs faits et gestes outre-mer.
Les péripéties d'AC/DC à Londres ont été
incroyables, c'est le moins qu'on puisse dire ; les rues y sont toujours pavées
d'or pour quelques chanceux. Grâce au bouche-à-oreille ils y ont
accumulé le plus grand nombre de disciples pour un groupe émergeant
depuis très très longtemps en Angleterre, poussant l'imagerie
"bière et cul" jusqu'à sa grossièreté
ultime, pour en fin de compte aboutir dans le magazine Melody Maker qui les
décrit comme "l'un des groupes les plus populaires tournant en ce
moment".
Le magazine Sounds fait dans le plus hystérique encore : "Qui règne
en '76 ? AC/DC."
Dans le même temps, A-Bomb (NDT : surnom d'Angus en Australie à
l'époque) devenait une star, se faisant bien remarquer par la brigade
mondaine pour ses activités de demi-lune, figurant dans le hautement
prestigieux Beat Instrumental comme Musicien de l'Année, son visage bardant
toute la couverture de Sounds et se faisant mettre en pièce par des demoiselles
hystériques à travers les salles de concerts de l'Angleterre.
Et pourtant, le gamin ressemble au petit morveux qui traîne autour des
cabinets de l'école, cherchant la bagarre, mains se baladant sous les
jupes, sourire méprisant planté dans la face.
"Certains groupes ont mis cinq ans pour en arriver là. Regarde Status
Quo, après leur célébrité pop initiale, ça
leur a pris dix ans pour être là où ils en sont maintenant,
en faisant la même chose que nous faisions - c'est-à-dire tourner
à travers le pays. Nous avons seulement suivi un cours intensif."
AC/DC bien sûr était le bon groupe au bon moment à la bonne
place. Ils sont arrivés à Londres juste quand le mouvement punk-rock
britannique dans son ensemble commençait à apparaître, et
ils ont engrangé rapidement, côte à côte avec leurs
homologues mollassons de punks anglais comme Eddie & the Hot Rods et les
Sex Pistols. C'est dans cette ambiance que les punk-rockers autraliens firent
irruption. Billy Thorpe m'a dit un jour que le trait caractéristique
des groupes australiens était la brutalité et l'intense énergie
qu'ils libèrent ; et la violente exubérance de travailleurs des
gars d'AC/DC, issue d'un paysage australien naturellement orienté vers
une rude survie complétait le tableau.
La philosophie du mouvement punk est follement alimentée, a dit quelqu'un,
par un mélange explosif de jeunesse et d'ignorance. Les "punk-rockers"
américains comme les Ramones sont trop faiblards, trop conscients de
leur image, trop vieux - plus clichés que acné - pour réussir.
S'il y a une quelconque agression morose (NDT : dans leur musique) c'est la
réaction fatiguée des perdants de toujours. Les punks anglais
sont un peu plus au niveau de la rue (bien que les Sex Pistols sont tous des
petits gars issus de l'enseignement supérieur !) mais encore un peu tendres.
Quand les magazines de musique anglais conçoivent l'actuelle vague punk
comme étant probablement le prolongement logique de toute l'explosion
musicale des années soixante (emmenée par les Stones, suivie par
les Yardbirds, les Who, Pretty Things), Bon décrit l'enthousiasme de
la presse avec mépris comme une simple occasion de plus de se montrer
excitée d'avoir quelque chose à écrire.
"J'ai passé les trois premières semaines de notre séjour
ici à simplement explorer les clubs et les pubs" dit Bon "et
il n'y avait pas un seul groupe qui faisait ce que nous faisons. Ils se tiennent
plantés debout comme des juke-boxes, comme ils font dans les pubs de
Melbourne. Le problème avec ces putains de groupes "punks"
est qu'ils essaient d'avoir l'air dur mais musicalement ils n'apportent rien,
même pas une ombre d'originalité.
"Ils sont juste sortis de terre - et nous sommes arrivés à
toute blinde et les avons laissés en train de bouffer notre poussière."
Il se marre à gorge déployée et commande une nouvelle tournée.
Que vous considériez Bon comme un petit salaud présomptueux dépend
du degré auquel vous le connaissez humainement. Pendant ce temps Angus
se renfrogne au souvenir de ces Anglais prétentieux
"Ils essaient d'exister comme les premiers Small Faces, tu te souviens
d'eux ? Ils montaient sur scène jurant et crachant et disant à
tous les présents d'aller se faire foutre. Mais au moins les Small Faces,
et les Rolling Stones, ils étaient compétents musicalement. Au
moins, ils pouvaient jouer. Certains de ces idiots ne sauraient même pas
accorder une guitare.
"Quand nous avons commencé ici, ces Eddie & the Hot Rods, sont
venus avec nous sur quelques concerts que nous avons donnés, et après
ça ils ont commencé à nous arnaquer. Tu sais comment j'ai
commencé ? J'ai commencé au Marquee (le club londonien où
AC/DC a décroché un engagement pour tous les lundis, ce qui apparemment
a provoqué de longues files d'attente et une salle comble - ndlr) il
y avait une telle putain de chaleur là-dedans, les gosses se débarrassaient
de leurs fringues eux aussi.
"Maintenant tu les verras EUX, faire ça aussi, courir partout en
sous-vêtements !
"C'est le truc avec l'Angleterre. Ils ont dû construire tous ces
groupes parce qu'ils n'avaient rien là-bas, pas de nouveau Led Zeppelin,
rien du tout, personne dont ils auraient pu dire 'ah ah, nous avons quelque
chose ici'. C'est pour ça qu'on a eu autant de succès."
Les signes les plus évidents de leur succès se trouvent en feuilletant
les coupures de presse. Au début de leur séjour ils ont dû
affronter l'inévitable cynisme et l'hostilité viscérale
des magazines de musique anglais (le NME en particulier a régulièrement
dit du mal des shows des Australiens).
Au début, ils ont fait les frais de remarques méprisantes du style
"I Wallaby Your Man" (NDT : jeu de mots sur I wanna be your man =
j'veux être ton mec, et le Wallaby = cousin du kangourou mais aussi surnom
donné aux australiens) et "Plus de dégueulade en provenance
des antipodes" (NDT : là-encore, jeu de mot sur "More Chunder
from Down Under", et le slogan d'AC/DC "Thunder from Down-Under"
= le tonnerre des antipodes). Quelques mois plus tard, les critiques étaient
divisés dans leur admiration. Vers la fin, la plupart d'entre eux avaient
dû admettre que, qu'importe la façon dont vous essayez encore d'étirer
les inévitables critiques - la grossièreté de leurs paroles,
leurs riffs réchauffés, l'essentiel de l'attraction étant
Angus montrant son petit cul boutonneux - AC/DC écrivait le mot spectacle
en lettres capitales. Le public arrivait en foule.
"Bon, nous n'avons jamais vraiment été considérés
comme un groupe australien là-bas de toute façon. Trois d'entre
nous sont originaires d'Écosse, et ils prenaient sur eux pour dire "bon,
ils sont peut-être arrivés d'Australie cette année, mais
ils sont originaires d'Écosse, ils sont Britanniques, ils sont comme
nous, et toutes ces sortes de conneries."
"Mais ça ne nous gênait pas parce que nous faisions de l'argent
là-dessus. C'est pour ça qu'on a joué le jeu, pour faire
du putain de pognon."
Et à quoi ressemblaient les groupies anglaises, les gars ?
" Très bonnes." Les yeux de Bon scintillent d'un maléfique
délice. "O-u-i !"
"Les miennes étaient bonnes" babille Angus. "Les siennes,
non. Je ne les aurais pas touché avec une putain de perche."
Le couteau à cran d'arrêt est une valeur sûre chez les
punks et tôt ou tard on doit entrer dans le trip bagarre et voyous et
AC/DC ne faisait pas exception à la règle. Apparemment il y a
eu quelques tensions personnelles avec Eddie & the Hot Rods après
quelques réflexions faîtes à propos de nos aventuriers des
antipodes. Que s'est-il donc passé ?
"Nan, pas grand-chose. Quelques journaux ont organisé les choses
juste pour faire un peu d'actualité. Ces mecs ont traîné
en coulisse après notre dernier show à l'Hammersmith Odeon et
tout le monde a cru qu'il allait y avoir un gros baston ou quelque chose du
genre. Mais pourquoi faire de la pub à Eddie & the Hot Rods parce
que nous les aurions tabassés, alors que, vois-tu (rires bruyants) c'est
ce qui aurait dû se passer."
Oui, les aventures physiques de Bon ont filtré jusqu'à JUKE...
la première sur le fait qu'il s'est pris un oeil au beurre noir trois
heures seulement après son arrivée à Londres.
"Ouais, j'allais bien" dit-il quelque peu évasivement.
" Il est revenu dès le jour suivant et déjà il remettait
ça" reconnaît Angus. "Il a réglé son compte
au salaud bien comme il faut."
En parlant de règlement de compte, il y a eu quelques comptes-rendus
de presse au sujet d'une certaine altercation entre Nos Héros et un dénommé
Ritchie Blackmore. Il y a seulement quelques mois ce bon vieux Ritchie avait
balancé dans le Melody Maker "qu'AC/DC était le degré
zéro du rock'n'roll", et pourtant, alors qu'il était dans
le coin récemment, il discutait des Vertues et Bontés d'AC/DC
avec quiconque voulait bien l'écouter. Blackmore est-il seulement une
grande gueule ou quelque chose s'est-il passé entre-temps pour le rendre
plus doux? ou le faire changer d'avis ?
"Écoute, je vais te dire ce qui s'est passé". Angus
s'étire en baillant dans la lumière de l'après-midi qui
entre à flots à travers les fenêtres, aspire bruyamment
les dernières gouttes de Coca et est maintenant prêt à se
lancer. "Il a débarqué au Marquee avec un type qui s'appelle
Lord Sutch (l'une des véritables excentricités de la pop anglaise
- après quelques hits au milieu des années soixante, il essaya
de devenir Premier Ministre, l'une de ses propositions étant que puisque
les chiens devaient porter un collier et avoir un permis, il devait en être
de même pour les chats et les poissons rouges). Je
m'entendais vraiment bien avec Sutch, et il amenait souvent des gens comme Noel
Redding et Mitch Mitchell pour nous voir car il aimait vraiment le groupe.
"Il a demandé à Blackmore de venir, et Blackmore voulait
bien et souhaitait même faire un boeuf avec nous si nous faisions un rappel.
Nous venions juste de finir et nous étions crevés ; c'était
au milieu de l'été, il y avait environ un millier de kids, t'as
pas idée de la chaleur qu'il faisait. Comme je ne pouvais même
pas me lever, je me traînais sur la scène et il y avait carrément
une flaque d'eau.
"En tout cas, il a sauté sur la scène, il a pris une Telecaster
et l'a branchée en attendant notre retour. Seulement, nous n'avons pas
fait de rappel et ça l'a vraiment fait chier.
"En tout cas deux jours plus tard, il y avait ce gars qui s'appelle Chris
Welch qui écrit pour le Melody Maker - lorsque nous étions venus
ici pour la première fois il comptait sur le fait que nous aurions dû
être mis rapidement sur le bateau de retour. Mais il est complètement
branché par les Bay City Rollers (NDT : groupe de minets pop de l'époque)
tu vois le genre de mentalité ! bref - Chris Welch était là
quand Blackmore est revenu et nous a demandé ce qui s'était passé,
tu vois. À ce moment-là il était en train de faire une
interview avec Chris Welch, et Welch essayait de lui faire dire quelque chose
de controversé.
"Il a fini par débiner Jon Lord et tout le monde. Et Welch savait
que Blackmore était énervé contre nous alors il l'a harcelé
en voulant savoir ce qu'il pensait de nous. Au début il ne voulait pas
répondre (huuuum - NdE) mais finalement, il a cédé et a
dit que nous étions le niveau zéro du rock'n'roll (re-huuuum -
NdE).
"Lorsque ça s'est produit, nous avions commencé à
tourner avec ce mec en Allemagne. Et j'ai un frère Alexis (autrefois
George Alexander du groupe Grapefruit et maintenant dirigeant d'une école
de musique à Hambourg) qui avait l'habitude de taper le boeuf avec Blackmore
dans les clubs quand Blackmore jouait derrière des gens comme Jerry Lee
Lewis et Gene Vincent.
"Et Alex a mis la main sur Blackmore dans une petite boîte de nuit
de Hambourg, et lui a dit 'à propos, les frangins font la première
partie de ton groupe, et qu'est-ce que c'est que cette m... que tu leur as balancé
dans le magazine ? Qu'est-ce que tu penses que tu jouais derrière Jerry
Lee et Vincent, ça c'était le niveau zéro du rock'n'roll.'
Et ensuite il a dit 'et je me foutrais de ce que tu pensais d'eux, je me serais
plutôt inquiété de ce que eux pensaient de toi - et ils
pensent que tu es un tas de m...
"Ça a failli dégénérer en bagarre mais ça
c'est calmé. Les deux sont redevenus potes, déconnant pendant
quatre jours après ça. Ensuite, la fois suivante où nous
avons joué à Paris, Blackmore est venu et a dit à quel
point nous étions bons et à quel point il aimait vraiment bien
le groupe.
"Donc, tout est bien maintenant. Chose amusante, son bassiste nous aimait,
tout comme le chanteur, Ronnie Dio. Comme il avait ouvert pour mon frère
George dans les Easybeats en Amérique quand il était dans un groupe
qui s'appelait Elf, et qu'ils avaient fait quelques chansons de George, il pensait
que c'était un réel privilège que nous jouions avec eux.
En fait, j'étais avec Blackmore au Speakeasy (une boîte de Londres)
juste avant qu'il s'en aille et il voulait que nous fassions le Japon avec eux,
mais ça aurait bousillé notre tournée ici, alors nous ne
l'avons pas fait. Mais nous ferons peut-être quelque chose avec eux en
Amérique, bien que rien ne soit encore finalisé.
En ce moment les AC/DC ne sont pas très sûrs de l'endroit où
ils vont se baser - Angleterre, Europe, peut-être l'Amérique, encore
moins en Australie. "Ça dépend de l'endroit où nous
gagnons de l'argent, n'est-ce pas" marmonne Bon dans une bravade habituelle.
Mais plus tard, il atténue son propos et explique qu'ils s'installeront
où ce sera le plus pratique. "Voyager 20 000 kilomètres avec
12 personnes et 5 tonnes de matériel coûte très cher, et
nous ne pouvons pas faire ça tout le temps. Mais j'aimerais tourner en
Australie tous les six mois."
AC/DC aime l'Angleterre, spécialement la façon dont le rock'n'roll
est vraiment pris au sérieux là-bas. "Écoute, c'est
tellement exiguë qu'il n'y a pas autant d'endroit où tu peux aller
t'amuser, à la différence d'ici. Bien sûr ils ont le foot
mais c'est à peu près tout. Donc, ils consacrent plus d'attention
au rock'n'roll." Angus se souvient du temps où lui et Mark allait
en centre-ville pour trouver une nouvelle basse, et sur le chemin du retour
le chauffeur de taxi s'était retourné et lui avait demandé
où était son uniforme d'écolier.
Ils aiment le professionnalisme
là-bas. Bon raconte que tout est tellement déjà prêt
- nourriture chaude, boissons, équipement pré-installé
- qu'il peut se balader dans la salle une minute avant qu'ils soient programmés
pour jouer et qu'en plus ils commenceront à l'heure. Ça change
de l'époque où ils étaient en retard pour un concert au
festival Moomba (à Melbourne) parce qu'ils étaient coincés
dans les embouteillages, parce que l'organisateur n'était pas assez malin
pour réaliser qu'une voiture aurait dû être envoyée
beaucoup plus tôt à cause du fort trafic.
Et l'Angleterre traite ses spectacles plus libéralement. Angus n'aurait
jamais été capable de s'en tirer avec ses exploits ici. "Évidemment,
ils avaient mis la Police des Moeurs pour nous suivre, mais ils étaient
vraiment cool. Ils plaisantaient avec ça, prenaient une bière
avec nous, s'excusant d'être là".
Et est-ce que AC/DC a rencontré d'autres musiciens australiens là-bas
?
"Ouais nous avons fait un concert avec Max Merritt and The Meteors, c'était
un show radio live et ils ont fait un esclandre parce que, comme nous étions
un groupe 'à la mode' et que nous avions tous les hurlements et braillements,
ils nous ont mis en dernier sur le show. Mais leur manager l'a mal pris et disait
des trucs du genre 'ils se prennent pour qui ces mecs?' Je veux dire que ce
n'était pas une insulte envers le gars ou autre. Mais ce qui s'est passé
c'est que nous l'avons engueulé hors scène, et après que
nous ayons joué, la plupart des gens sont partis. Ça l'a fait
passer pour un con.
"C'est dommage parce que j'aime Max Merritt. Mais certains cerveaux derrière
ces gens ne fonctionnent tout simplement pas."
Et que devient Sherbet ? (NDT : groupe progressif australien)
"Je ne savais même pas qu'ils étaient dans le pays, pour te
dire la vérité" dit Angus sans s'avancer. "Nous étions
en Europe à ce moment-là avec Rainbow. Mais lorsque nous sommes
rentrés, j'ai rencontré une nana qui connaissait - tu sais ce
mec d'Ariel ? (Harvey) - ouais elle l'avait connu quand il était venu
autrefois et elle m'a dit qu'elle l'avait vu à Top of the Pops avec ce
nouveau groupe qui s'appelle Sherbet. C'est tout. Il ne leur arrive vraiment
rien."
Tu appelles "rien" avoir un single numéro 2 des charts anglais
?
Bon hausse les épaules.
Des singles, la belle affaire ! "Tu as tellement de groupes dans les charts
que ça ne signifie rien. Regarde les Hot Chocolate, ils ont eu au moins
six Numéro Un ici, et notre tournée vend deux fois plus que la
leur. Il y a des groupes à singles et des groupes à tournées,
et les groupes à tournées sont les seuls qui restent."
Ne serait-ce pas de la rancoeur, n'est-ce pas, parce votre album n'a pas été
classé ?
"Naaaan, notre album s'est mieux vendu là-bas qu'ici. Il a fait
plus de 50 000 déjà. La simple raison pour laquelle il n'est pas
classé c'est que les gens l'ont acheté alors que nous étions
en train de donner les premiers coups de pioche. S'ils l'avaient tous acheté
en même temps, il aurait été classé, c'est sûr.
Mais pour le nouvel album Dirty Deeds, les précommandes sont tellement
importantes qu'ils espèrent qu'il sera classé."
Il arrête de secouer sa tête et sourit largement à l'évocation
des autres groupes australiens. "Écoute mec", il cogne sur
la table avec force. "Le seul groupe qui a fait quelque chose en Angleterre,
c'est AC/DC - les autres sont juste des nullités, je te le dis."
Et les USA - comment se présentent les choses là-bas ?
"Nous devrions être là-bas en ce moment même, mais les
visas ont tout foutu en l'air. En fait nous nous préparions à
aller là-bas pour trois semaines et couvrir le plus de villes possible
juste pour se faire connaître. Nous étions supposés finir
notre tournée anglaise, quitter le jour suivant et attaquer la tournée
US directement.
Mais les services de l'immigration ont tout retardé d'une semaine environ.
Ce qui signifie que nous aurions seulement pu passer six jours là-bas
et ça aurait été vraiment trop cher si tu penses aux frais,
donc on a décidé d'abandonner jusqu'à l'année prochaine.
Michael (Browning
le manager) est là-bas en ce moment, en train de magouiller, donc ce
sera parfait, les premiers signes sont très encourageants. Des gens comme
Wolfman Jack ont fait jouer nos disques depuis deux ans, de la même façon
que l'avait fait John Peel en Angleterre. Les albums sont déjà
passés sur plus de 35 stations de radio."
Angus ajoute: "Concernant l'ambiance là-bas, Rolling Stone (un magazine
d'influence majeure aux É-U) m'a déjà contacté en
Écosse, a fait l'éloge d'un petit guitariste, et ils voulaient
savoir quelle sorte de guitare ultime voulait un gars qui saute partout sur
la scène et balance ses fringues.
Bien que Dirty Deeds ait été enregistré à Sydney
avant leur départ, Angus fait remarquer énergiquement que musicalement,
le disque est tout à fait d'actualité, "Nous n'avons pas
changé du tout musicalement. Nous n'allions pas faire l'erreur que tant
d'autres ont fait - aller là-bas en pensant devenir plus malins. Nous
y sommes allés juste pour jouer."
Alors qu'en est-il de cette info dans le New Musical Express disant que vous
utiliseriez les services de Doug Clifford et Stu Cook (qui a donné la
renommée aux Creedence Clearwater et maintenant avec le Doug Harrison
Band) pour produire votre prochain album ? Un sacré changement par rapport
à Vanda-Young, hein, que se passe-t-il ?
"Naaan, c'est des conneries. Écoute ces gars sont venus en Angleterre
pour jouer au festival de Knebworth, dont les Stones tenaient la tête
d'affiche. Ils ont entendu que les Australiens avaient raccourci notre album,
tout comme les Anglais, ils pensaient qu'il y avait une différence dans
la production. Ce qui s'est passé c'est qu'il a été mal
coupé là-bas, parce que le gars qui a fait le boulot était
branché "soul" et ne savait pas vraiment ce qu'il faisait.
"En tout cas, ils étaient plantés là en train de parler
du travail de production sur notre album, tu vois. Et cet idiot du NME a dû
entendre une partie de la conversation et a pensé qu'ils allaient produire
notre prochain."
Actuellement ils terminent leur tournée australienne, travaillent et
enregistrent le plus possible de titres aux Studios Alberts (Sydney) pour le
prochain LP, et ensuite redécolleront à nouveau pour l'outre-mer.
Espérons vers l'Amérique ; mais tant que Browning ne revient pas
avec les contrats signés, rien n'est fixé.
En attendant ils peuvent se pavaner en sachant qu'ils ont prouvé que
les critiques se sont trompés.
"Le succès anglais nous a fait un bien fou" indique Angus avec
autant de modestie qu'il puisse rassembler. "Ça nous a rendu tellement
plus confiant."
"Ouaiiiis" rigole Bon. "Maintenant il n'y a rien qui nous arrêtera. La lune ? D'accord nous serons là-bas la semaine prochaine."