Highwaytoacdc : Philippe, on connaît tous ta passion pour
AC/DC, mais quand as-tu entendu parler d'eux pour la première fois, et
quel est le premier concert auquel tu as pu assister ? Dans les deux cas, qu'as-tu
ressenti ?
Philippe Lageat : J’ai découvert AC/DC en 1978 (j’avais
alors dix ans), lorsque mon meilleur pote de l’époque, qui s’appelait
Fabrice Le Vaillant, m’a fait écouter Powerage, un album que son
grand frère lui avait conseillé. Cet ami m’avait déjà
initié, peu de temps auparavant, à Queen (album News Of The World),
que j’avais adoré, mais j’ai été scié
lorsque j’ai écouté AC/DC pour la première fois.
Car son rock hard était irrésistible. Comment ne pas taper du
pied sur « Gone Shootin’ » ou « Riff
Raff » ? Et puis, quelques mois plus tard, l’album a été
réédité en France dans un nouveau pressage 10 titres (l’original
n’en renfermait que 9), agrémenté du single « Rock’n’Roll
Damnation », génial lui aussi. Qui plus est, la pochette de
Powerage m’a marqué au fer rouge, au même titre que celles,
plus tard, de If You Want Blood et Highway To Hell d’ailleurs (je considère
que c’est dans cette période 1977-79 que le groupe a réalisé
ses meilleurs artworks). Très rapidement, j’ai donc tenté
d’en savoir plus et, au fil de mes lectures et de discussions avec des
potes, souvent plus âgés que moi, j’ai découvert un
univers à part entière, symbolisé par Angus Young, déguisé
en écolier, introverti à la ville et épileptique sur scène.
C’était EXACTEMENT l’image que je me faisais du groupe idéal.
Ca ne m’a pas quitté depuis…
Quant à mon premier concert, j’aurais dû assister à
celui qu’AC/DC a donné à Brest, au Parc de Penfeld, le 22
janvier1980, avec Bon Scott au chant et Ocean en première partie. J’avais
mon billet en poche (40 francs, une fortune pour moi à l’époque
!!!), mais mes parents, jugeant que j’étais trop jeune, ne m’ont
finalement pas donné l’autorisation. Le soir dudit concert, j’ai
donc écouté Zégut dans ma chambre, en pleurant à
chaudes larmes. Moins d’un mois plus tard, Bon Scott était mort…
Et j’ai encore aujourd’hui du mal à m’en remettre :
« on s’est ratés de si peu… ». Ce n’est
« que » l’année suivante, le 23 janvier 1981,
toujours à Brest et au Parc de Penfeld, que j’ai enfin vu le groupe
sur scène, sur le Back In Black World Tour. J’y suis allé
déguisé en Angus, avec plusieurs potes. Je me souviens que certains
puristes, qui voyaient d’un mauvais œil le succès « grand
public » dont AC/DC commençait à faire l’objet,
nous ont sifflés. Mes souvenirs ? La cloche sur « Hells
Bells », Brian Johnson (avec son fameux tee-shirt rouge) qui fait
l’effort de parler en français, Angus à donf’ qui
passe dans la foule (8 000 spectateurs) à quelques mètres de moi…
Et sa chemise, trempée, qu’un vigile me tend pendant le concert
et que je ramène chez moi comme un trophée. Je l’ai toujours
d’ailleurs… Jusque-là, j’étais amoureux (le
film LET THERE BE ROCK que j’avais vu au cinoche quelques jours plus tôt
m’avait déjà traumatisé), mais dès que ce
concert s’est achevé, j’ai compris que j’étais
devenu un « accro » et qu’AC/DC allait prendre une
part importante de ma vie.
Highwaytoacdc : Le 19 février prochain, cela fera 26 ans
que Bon Scott nous a quitté, et il restera sans doute une icône
du monde du Rock. Comment as-tu appris et vécu son décès
?
Philippe Lageat : Il n’y avait pas Internet à l’époque,
et les news mettaient généralement un certain temps à nous
parvenir, par l’intermédiaire, essentiellement, de la presse papier,
des magazines Best et Rock & Folk. Mais là, le hasard a voulu que
j’écoute la radio WRTL (en grandes ondes) le 20 ou le 21 février
1980 au soir et soudain, Francis Zégut a annoncé que Bon Scott
venait d’être retrouvé mort à Londres. Ayant, comme
je l’expliquais précédemment, raté le chanteur à
Brest un mois plus tôt, j’ai cru que j’allais tomber raide
! Mon jeune frère, qui partageait ma chambre avec moi et me charriait
souvent sur l’amour que je portais à AC/DC, a compris et s’est
tu immédiatement. Alors, je me suis mis à pleurer. Comme un tas
de jeunes au même moment. Plus tard, la nouvelle m’a été
confirmée par les magazines et même quelques quotidiens comme France
Soir. Une sale période, définitivement…
Highwaytoacdc : Bon Scott brûlait sa vie par les deux bouts.
D'après toi, le groupe aurait-il connu une telle longévité
s'il avait survécu ?
Philippe Lageat : Je ne suis pas voyant extralucide… Et je trouve
ce débat stérile. On peut toujours avancer ci ou ça, qui
peut dire précisément où en serait AC/DC aujourd’hui
? Par contre, une chose est sûre, la mort accidentelle de Bon a, paradoxalement,
permis au groupe de devenir culte et de rallier à lui les « hardos »
du monde entier. En mourant, Bon a, bien malgré lui, propulsé
AC/DC dans la cour des très grands. N’oublions pas cependant que
la qualité intrinsèque de Back In Black fût également
au rendez-vous et que, sans cela, Bon ou pas Bon, la Young Connection aurait
probablement sombré corps et âme.
Highwaytoacdc :
Qu'as-tu pensé du choix des frères Young sur le choix de Brian,
succédant à Bon Scott (le type de voix de Brian, sa personnalité)
? D'après toi, le « successeur » était-il
à la hauteur ? Sur disque, en live …
Philippe Lageat : J’ai un immense respect pour le choix des frangins
Young. Si j’ai été surpris par le caractère vraiment
aigu de la voix de Brian et que j’ai parfois tiqué en l’entendant
reprendre certains titres de « l’ère Bon Scott »
sur scène (particulièrement lors de mon premier concert à
Brest, puisque c’est là que j’ai découvert ce que
valait le bonhomme en live), il n’en demeure pas moins que j’ai
rapidement adopté Back In Black, l’album, et que « Jonna »
m’a séduit par sa simplicité, sa modestie et son humour.
Le fait d’avoir choisi un quasi-inconnu et non une vraie star a été
l’idée de génie de Malcolm et Angus. Et si l’on regarde
bien, Brian est aujourd’hui, sur scène, le principal moteur du
groupe, car Angus bouge dix fois moins qu’avant.
Highwaytoacdc : À qui aurais-tu pensé toi-même
pour lui succéder ? Ou peut-être aurais-tu souhaité toi-même
que le groupe en reste là ?
Philippe Lageat : Que le groupe en reste là ??? Non, certainement
pas ! C’est dans l’adversité qu’on reconnaît
les « GRANDS ». Par contre, il est vrai que j’aurais
bien vu un Angry Anderson (Rose Tattoo) rejoindre AC/DC : Australien de
souche, pote du groupe et de Bon Scott, poète au grand sens de l’humour,
voix très personnelle, expérience, gouaille, look, charisme, extrême
gentillesse et, très important, taille sde lilliputien, Angry avait tout
pour lui. Sans compter qu’il avait déjà « jammé »
à de nombreuses reprises avec les « Boys »…
J’aurais payé cher pour voir ça, ne serait-ce qu’une
fois…
Highwaytoacdc : Suite à l'arrivée de Brian, le
groupe accède au statut de superstar. Mais toi, as-tu apprécié
l'évolution artistique qu'ils ont suivie ? Passer du Rock-Blues de Powerage
au Heavy-Metal de For Those About To Rock… D’ailleurs, si on veut
coller des étiquettes, quand on voit l'ensemble de leur carrière,
AC/DC c'est du Rock ou du Hard-Rock ?
Philippe Lageat : Question très pertinente ! En effet, peu
nombreux sont ceux qui ont noté cette vraie différence, ce passage
du rock/blues au hard rock, voire au heavy metal. Ce fut pourtant bien le cas.
Certes, Back In Black m’a surpris (le temps de me faire à la voix
de Brian, mais aussi à ce registre plus « led zeppelinien »,
plus « clichesque » dans les aigus), mais For Those About
To Rock m’a vraiment décontenancé. J’adore ce disque
(que j’ai payé 41 francs à l’époque), mais
il serait faux de nier qu’il marque les premiers pas d’AC/DC en
territoire heavy metal, de par sa production, monstrueuse, « larger
than life », et certaines de ses compos, lourdes et mid-tempos. Avec
le recul, je comprends mieux aujourd’hui que certains aient pu tiquer
à l’époque. Flick Of The Swith et Fly On The Wall ont d’ailleurs
poursuivi dans cette voie (qu’est-ce que « Rising Power »,
« Danger » et « Nervous Shakedown »
sinon du heavy ?).
Quant à savoir si AC/DC est rock ou hard/rock, il est probablement un
peu des deux. Pour couper court, j’aime à dire qu’AC/DC fait
du « rock hard ». Vu le titre de la parution dont je suis
aujourd’hui rédacteur en chef, ça me va très bien
comme ça… ;-)))
Highwaytoacdc : Suite à la tornade Back In Black et au
succès commercial de For Those About To Rock, c'est le passage à
vide… Les années 83 à 88… Surtout en France d'ailleurs.
Y avait-il une lassitude chez les membres du groupe d'après toi, un manque
d'inspiration, ou un besoin de vacances ?
Philippe Lageat : Je pense qu’il y avait un peu de tout ça,
comme l’ont d’ailleurs démontré les déboires
qui ont conduit au renvoi de Phil Rudd. Pression extrême, cadence infernale,
décès de Bon, etc., renvoi de Mutt Lange, tout cela a fini par
nuire au groupe qui, ce n’est pas un sacrilège que de le penser,
a quand même sorti de moins bons albums (même s’ils restaient
au- dessus du lot) à partir de 1985 que dans les années 70 et
au début des 80’s. AC/DC est devenu une grosse machine et a perdu
de sa naïveté, c’est certain. Et puis, on ne peut pas sortir
un ou deux albums par an pendant sept ans consécutifs sans connaître,
à un moment donné, un creux de la vague.
sHighwaytoacdc :
Il est d'ailleurs amusant de constater que le mal accueilli Flick Of The Switch
est cité maintenant par les « puristes » comme
un album essentiel… Qu’en penses-tu ?
Philippe Lageat : J’ai toujours eu un faible pour ce disque mal-aimé,
y compris pour sa pochette généralement décriée,
même par les fans actuels. Car il ne renferme pas vraiment de mauvais
moments. Il s’est fait descendre à l’époque pour deux
raisons :
1 - en France, on aime bien cracher sur nos idoles d’hier, ce qu’ont
fait certains mags ou fans lassés de voir AC/DC truster les premières
places des référendums et les couvertures.
2 – il faut toutefois « comprendre » que certains
fans de la première heure aient pu être déçus. Bon
était un sacré personnage, le groupe – on l’a dit
– est passé, sans prévenir, du rock bluesy au heavy metal,
et puis en concert, il suffit d’écouter les bootlegs pour s’en
persuader, chaque show de Bon était différent du précédent.
Une plus grande part était alors laissée à l’improvisation.
Reste que plusieurs critiques ont poussé le bouchon trop loin, allant
jusqu’à insulter le pauvre Brian Johnson qui n’en demandait
pas temps. Après tout, ce n’est pas lui qui avait laissé
Bon Scott dormir dans une bagnole en plein hiver…
Mais, pour revenir à la question de base, je ne suis pas surpris que
Flick… soit aujourd’hui réhabilité. Un bon album reste
un bon album, même s’il faut parfois un certain temps pour s’en
rendre compte.
Highwaytoacdc : Le groupe ne nous a pas rendu visite en 1986.
À ton avis, c'était fait exprès ou le Palais des Sports
n'était pas effectivement libre comme avait déclaré le
groupe à l'époque ?
Philippe Lageat : Je ne suis pas sûr de la réponse à
100%, mais je pense sincèrement qu’AC/DC, déçu et
marqué dans son orgueil par le semi-échec de Bercy en 1984, a
volontairement évité la France deux ans plus tard, histoire de
marquer le coup. Il faut savoir que les frères Young sont rancuniers,
ont une mémoire d’éléphant, et s’arrangent
toujours pour « sanctionner » ceux qui leur manquent de
respect. Vu que le groupe ne jouait pas tous les jours sur sa tournée
de 1984, je reste intimement persuadé qu’il aurait facilement trouvé
une salle parisienne libre s’il l’avait souhaité, Palais
des Sports ou pas. Non, non, il s’agit bien d’une petite vengeance…
Highwaytoacdc : Ta perception de la « traversée
du désert » entre 1983 et 1988 ?
Philippe Lageat : Sur le moment, une période très difficile
à vivre pour les fans jusqu’au-boutistes comme moi. J’en
ai vu des « potes » lâcher ce groupe qu’ils
avaient adoré pour se rabattre sur de nouveaux talents (Metallica, entre
autres). Du jour au lendemain, nous sommes devenus des « has-been ».
Enfer Magazine a bien orchestré cette campagne de démolition.
Sur le coup, je leur en ai énormément voulu, mais avec le recul,
je me dis qu’ils ont simplement défendu l’avis d’un
de leurs journalistes (grand fan d’AC/DC déçu par Flick
Of The Switch), qui s’était fait chahuter par certains lecteurs
et auquel le mag a voulu montrer son soutien. Reste qu’être fan
d’AC/DC entre 1983 et 1988 n’était pas ce qu’il y avait
de plus « glamour ». Cela a au moins eu le mérite
d’écrémer : seuls les « vrais » fans
se sont alors retrouvés et, paradoxalement, je garde un souvenir ému
de cette période où nous étions peu nombreux à organiser
la « résistance » contre vents et marées
(il n’y avait pas de frimeurs au Zénith en 1988, juste les derniers
fidèles). Pour cette raison, j’ai eu la larme à l’œil
en pénétrant dans le Stade de France en 2001 : 75 000 personnes
pour le premier concert de hard au SDF !!! Nous tenions enfin notre revanche
! Et « Ride On » aidant, Dieu sait si elle a été
belle !!!
Highwaytoacdc : Mi-89, une rumeur a circulé comme quoi
Brian Johnson était sur la sellette et serait éjecté s’il
ne se « reprenait » pas dans son chant et dans son
attitude ? Tu y crois ?
Philippe Lageat : Des rumeurs sur le départ de Brian, j’en
ai entendu des centaines, et pas qu’en 1989. Des conneries, rien de plus.
Il faut dire que le groupe est si discret qu’il peut être tentant
d’imaginer ci et ça. Non, en 1989, Brian a traversé une
sale passe avec sa femme et n’a donc pu se pencher sur Razors Edge comme
il l’aurait souhaité. Point barre…
Highwaytoacdc : Les années '90 voient l'accession d'AC/DC
au statut de monstre à tous les sens du terme. Bercy complet des mois
à l'avance, troisième Donington, Vincennes … Pourtant The
Razors Edge n'était pas une merveille. Comment expliques-tu ce nouvel
engouement ? As-tu d'autres exemples de come-back aussi forts ?
Philippe Lageat : Comment expliquer ce nouvel engouement ? Franchement,
je n’en sais rien…S’il y avait une recette magique, tous les
managers du monde l’adopteraient dans la seconde ! Disons que tout est
cyclique et qu’en 1990, une nouvelle génération de fans
a découvert le groupe. Et puis, il y a eu les clips, surtout celui de
« Thunderstruck », les années MTV en France, et
le fait que Razors Edge soit plus commercial au niveau prod’ que Blow
Up Your Video. Ce retour en grâce s’explique aussi par le fait que
certains fans de la première heure sont devenus journalistes par la suite
et ont donc écrit des tas de choses positives sur le groupe (votre serviteur
en est un exemple). Tout cela a contribué à redorer, petit à
petit, le blason d’AC/DC.
Highwaytoacdc :
Durant les années 96 – 2000, AC/DC devient « intouchable ».
Pour Ballbreaker, ils réalisent la plus belle tournée française
du groupe depuis 1980, modifiant enfin la sempiternelle setlist. C'est d'ailleurs
une question récurrente chez les fans. Pourquoi ne changent-ils pas la
set-list axées très 70’s et début 80’s ?
Philippe Lageat : Il faut savoir que les changements de setlist opérés
sur le Ballbreaker Tour furent dus aux innombrables demandes que certains fans
proches du groupe (deux Anglais, un Allemand, un Suisse, deux Français
dont votre serviteur) ont faites au fil des ans. Exemple : la setlist du
second Bercy 1996 a légèrement évolué par rapport
à celle du show de la veille dans la même salle. Pourquoi ?
Parce que nous avons passé, Emmanuel Ledroit, Carl Allen et moi-même,
trois heures dans l’après-midi à discuter avec Malcolm qui
nous avait invités à le rejoindre à son hôtel et
que nous lui avons expressément demandé de nous faire une petite
surprise, en l’occurrence, de jouer « Hail Caesar ».
Ce qui a finalement été fait en dernière minute à
la grande surprise du staff. Il y a eu d’autres exemples du style (« Sin
City » à Madrid 2000, etc.).
La setlist est bien évidemment axée 70’s parce que la plupart
des classiques du groupe datent de cette période. Il est vrai qu’elle
n’évolue pas très souvent, mais on ne peut nier que les
Boys ont fait des efforts en ce sens ces dernières années. Très
franchement, je croyais ne jamais plus entendre « What Do You Do
For Money Honey », « Gone Shootin’ »,
« If You Want Blood », « Up To My Neck In You »
en live. Et que dire de « Ride On ». Maintenant, j’aimerais
voir AC/DC piocher un peu dans les délaissés Blow Up.., For Those,
Fly et Flick qui renferment, eux aussi, leur lot de pépites.
Highwaytoacdc :
L'histoire d'amour entre AC/DC et la France culmine au Stade de France en 2001.
Comment as-tu vécu ce moment historique ? Et le groupe ?
Philippe Lageat : Je l’ai déjà mentionné, ce
concert reste l’un des plus importants que j’ai pu voir. Car c’est
un symbole très fort, et une victoire en soi. Le plus grand concert hard
français de tous les temps ! Ce n’est pas rien… Superbe
météo qui plus est ! LE PANARD !!! Le groupe, Malcolm
me l’a confié quelques jours plus tard, ne s’attendait pas
à une telle réussite, et a regretté, même s’il
ne le dit qu’à mi-mot, de s’être concentré sur
Münich et non Paris en vue de la sortie du DVD Stiff Upper Lip Live.
Highwaytoacdc : As-tu eu la chance de voir la vidéo filmée
par Canal + du Stade de France à la demande de Malcolm ? Si
oui, est-elle vraiment à la hauteur de ce moment d’anthologie et,
surtout, est-ce que nous aurons la chance qu’elle soit enfin distribuée
un jour ?
Philippe Lageat : Oui, j’ai eu la chance de voir cette vidéo
qui a été réalisée à la demande de Malcolm
Young. Qui en garde, d’ailleurs, bien précieusement un exemplaire
chez lui. L’événement a été filmé à
sept ou huit caméras il me semble, par l’équipe qui avait
filmée Johnny Hallyday au Stade de France. Le montage est vraiment sympa
et retraduit, à mon avis, bien mieux que le show de Münich, la communion
entre le groupe et ses fans. Et voir les musiciens porter le maillot de l’équipe
de France est un régal ! Je suis particulièrement heureux
que ce passage ait été ainsi immortalisé. Il n’est
malheureusement pas prévu que ce concert soit distribué un jour.
Enfin, aux dernières nouvelles. Maintenant, peut être peut-on s’attendre
à en voir figurer certains extraits sur un prochain DVD compilation…
Croisons les doigts !
Highwaytoacdc : 2003 : Hall Of Fame, partage de la scène
avec les Stones, AC/DC devient une « légende ».
L'occasion de sortir THE album. Mais cinq années s'écoulent désormais
entre chaque album depuis 1990 … alors que le groupe était si prolifique
dans les 70’s et début 80’s. D’après toi, quelles
sont les raisons de ces délais à rallonge ?
Philippe Lageat : La réponse me semble évidente : l’âge.
Nos amis n’ont plus 20 ans et n’ont ni la forme physique pour enchaîner
les tournées, ni l’envie de remettre le couvert trop souvent. Je
pense, en sus, que, cette fois-ci, le changement de label (de EastWest à
Sony), des problèmes de producteurs, et quelques menus soucis de santé
font traîner les choses davantage encore. Pour moi, Sony, qui a dépensé
une fortune pour récupérer le groupe à son catalogue, se
montre particulièrement exigeant et veut un album studio énorme.
Pas juste bon, comme Ballbreaker ou Stiff Upper Lip, qui étaient bons,
certes, mais pas de GRANDS disques comme Let There Be Rock, Powerage, Highway
To Hell ou Back In Black (Vos plus jeunes visiteurs ne seront probablement pas
d’accord, mais ce serait mentir que de nier cet état de faits).
Highwaytoacdc : AC/DC est bien plus près de la fin de sa
carrière que du début… D’après toi, est-ce
que le groupe continuera d’exister dans la mémoire des générations
futures pour devenir un incontournable groupe de légende ?
Philippe Lageat : Oui bien sûr, quelle question ! A l’instar
des Stones, la musique d’AC/DC est intemporelle !
Highwaytoacdc : En matière de Rock et de groupe d‘envergure
tel qu’AC/DC, la relève est-elle vraiment là ?
Philippe Lageat : Non, malheureusement. En matière de pur rock,
ce sont toujours les « vieux » qui tiennent le haut du
pavé. J’en profite néanmoins pour saluer les efforts de
combos plus que sympathiques comme Nashville Pussy, Green Dollar Colour, voire
même Danko Jones, qui sont bien dans l’esprit. Ceci étant
dit, il n’y a et il n’y aura jamais qu’un seul AC/DC. Souvent
copié, jamais égalé…
Highwaytoacdc : Avant de mettre un terme à cet entretien,
la « question qui tue » ! … roulement de tambours
… Philippe, d'après toi, Bon Scott est-il l'auteur d'une partie
des lyrics de l'album Back In Black ?
Philippe Lageat : Décidément, voilà une question très
à la mode, revenue en force ces dernières années avec la
parution du bouquin de Clinton Walker et des mags anglais comme Classic Rock
qui a, tout récemment, cherché à brasser un peu la merde
(un journaliste comme Malcolm Dome, qui a écrit un bouquin sur AC/DC
truffé d’erreurs, me semble ne pas aussi bien connaître le
groupe qu’il le prétend…). Je vais donc me contenter de vous
donner mon sentiment profond. 99% des textes de BIB me semblent être l’œuvre
de Brian. Mais j’ai toujours pensé que les paroles de « You
Shook Me All Night Long », avec certains jeux de mots et certains
doubles sens pas piqués des vers, avaient été écrits
par Bon Scott. Ces lyrics ressemblent trop, stylistiquement, à celles
de « Touch Too Much ». Ce n’est là que mon
avis, mais je pense que le groupe a conservé quelques phrases ou idées
de Bon, à partir desquelles Brian a brodé. Ce titre pourrait donc
être un mix des deux chanteurs. Je le répète, il ne s’agit
là que d’une hypothèse ou, mieux, d’un truc que je
sens en moi.
Highwaytoacdc :
Aujourd'hui, quel serait ton meilleur souvenir avec AC/DC ou un de ses membres ?
Philippe Lageat : Vaste question. Ils sont très nombreux. Je dirais,
en vrac, le tournage du clip de « Hard As A Rock » au
premier rang, mon premier concert en 1981, ma première rencontre avec
le groupe le 05.04.1988, le show du Zénith de 1988, le Stade de France
2001, une soirée arrosée au pub avec Brian, deux jours passés
en studio durant l’enregistrement de Stiff UpperLip, aller en stop de
Bretagne à Donington en 1991, le soundcheck de l’Hammersmith Odeon
2003 au premier rang, le groupe m’invitant dans sa loge pour me dire « au
revoir » sur le Ballbreaker Tour US, les trois gigs de Madrid 1996
(cadre sublime, soleil, super ambiance…), mes interviews diverses et variées
avec Angus, Malcolm, Brian, Phil Rudd, Cliff Williams, Mark Evans, George
Young, Chris Slade, Simon Wright, Stevie Young, etc. Mais aussi plus de 130
concerts aux quatre coins du monde (Japon, Nouvelle Zélande, Ecosse,
USA, etc.), AC/DC donnant deux concerts devant moi et deux potes dans une salle
déserte de St Petersburg (USA) alors qu’il répétait
pour le Ballbreaker Tour, voir du pit au photographe Angus et Mal jammer avec
les Stones à Hockenheim 2003, trois heures passées à discuter
de Bon Scott avec Malcolm Young, voir Angus faire son solo sur la passerelle
élévatrice à moins de 50 centimètres à Lyon,
Aberdeen et Francfort 1996, divers aftershows mémorables, etc. Enfin,
jamais je n’oublierai Angus et Malcolm acceptant de modifier leur planning
et de se lever plus tôt pour accorder une interview impromptue à
votre serviteur et André Cadiou pour le fanzine Let There Be Light en
1992 (alors que je n’étais pas journaliste). Sans parler de tous
les fans que j’ai rencontrés au fil de mes voyages.
Highwaytoacdc : Inversement, ton plus mauvais souvenir…ou
ton plus grand regret !
Philippe Lageat : Avoir, je l’ai déjà dit, raté
Bon Scott de « si peu ».
Highwaytoacdc : Sans AC/DC, est-ce que tu ferais ton métier
actuel ?
Philippe Lageat : Très vraisemblablement pas ! Hard Rock Mag
m’a en effet embauché en 1995 alors que je leur proposais une interview
exclusive de Chris Slade (et après avoir jeté un œil sur
mon fanzine Let There Be Light). Sincèrement, ce groupe m’a permis
de réaliser bon nombre de rêves que je pensais inaccessibles. MERCI
A LUI !!!
Highwaytoacdc : Et pour finir, un mot pour Highwaytoacdc.com et
ses visiteurs ?
Philippe Lageat : Merci de m’avoir convié à m’exprimer
sur ce sujet qui me tient tant à cœur. J’espère simplement
que mes divers articles pour Let There Be Light, Juke-Box, Up!, Hard Rock et
Rock Hard ont permis à certains d’entre vous de découvrir
plus en profondeur ce groupe extraordinaire qu’est AC/DC (comme Michel
Embareck ou Thierry Châtain l’ont fait en leur temps avec moi).
Ce serait là une énorme récompense !!! Comptez sur
Rock Hard pour en faire des tonnes dès que le clan Young bougera le petit
doigt !
Au nom de tous les visiteurs d' H2ACDC, merci Phil pour ta disponibilité
!
Ce fut un plaisir ! Bonne continuation !