Tout d'abord, pouvez-vous nous expliquer la différence entre un ingénieur
du son, un producteur et un mixeur ?
Mike Fraser : Le boulot d'un ingénieur du son consiste en résumé,
à aider les musiciens à obtenir le rendu de son qu'ils recherchent,
de s'occuper de l'aspect très technique de celui-ci, plus d'aigus, plus
de basses etc..
Le producteur lui, est plus un chef d'équipe. Il est le porte-parole
du groupe dans le studio. Il explique aux ingénieurs ce que veut le groupe
en des termes qui sont très spécifiques aux studios d'enregistrement
et à leurs mécanismes. Il est le capitaine à bord, le garant
des volontés du groupe et de leur concrétisation technique.
Le mixeur lui intervient en aval, lorsque tout a été mis sur bande.
Il est responsable de l'assemblage du patchwork, de la mise en forme du travail
et du rassemblement de l'ensemble des bandes pour n'en faire plus qu'une.
Quand avez-vous rencontré AC/DC pour la première fois ? Qu'avez-vous
ressenti ?
Je travaillais avec Bruce Fairbairn sur je ne sais plus quel album et ils ont
appelé Bruce pour finir un album que George Young avait commencé
à produire quelque part en Irlande ou en Angleterre je sais plus, bref,
j'ai suivi Bruce et je me souviens que quand on a sonné à la porte
et que ça s'est ouvert, j'ai laissé Bruce entrer et j'ai vu un
grand mec planté là. J'ai tout de suite pensé que c'était
un membre d'AC/DC ou du staff d'AC/DC, puis j'ai vu un petit gars derrière,
et je me suis demandé si le grand n'avait pas emmené son fils
avec lui (rires) avant de reconnaître finalement Malcolm. Il s'est d'ailleurs
avéré que le grand était Stuart Young, qui lui, est tellement
grand par rapport à Angus & Malcolm !
Avez-vous toujours été un fan d'AC/DC ?
Oh oui, une très grand amateur oui.
Quel est votre album préféré ?
J'aime beaucoup les albums de la période Bon Scott même je si je
dois avouer que mon préféré reste Back in Black.
Un bon producteur sait aller chercher ce qu'il y a de plus profond chez
les musiciens. Quelle approche avez-vous eue envers quelqu'un comme Angus Young
?
C'est facile avec Angus, il a la foi dans ce qu'il fait et il est bourré
d'énergie. Je me souviens d'une fois où nous discutions et où
il me disait qu'il n'avait était saoul que deux fois dans sa vie dont
une à son mariage et qu'il n'avait jamais touché aux drogues.
Son énergie vient d'ailleurs ; regardez pendant les tournées,
il doit perdre au moins dix kilos. Je sais pas d'où il arrive à
les perdre d'ailleurs il est tellement mince !
Que pensez-vous d'Angus Young, l'homme?
C'est un mec bien. Il a un avis sur tout et se sent concerné par tout
ce qui se passe dans le monde.
C'est comment de bosser avec AC/DC ?
C'est un réel plaisir. J'ai jamais senti la moindre tension. Ce sont
des pros et de bons musiciens qui savent bien écrire. Et puis ce sont
toutes des personnes respectueuses.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Mon meilleur souvenir... ? mon drapeau d'AC/DC je crois
Vous avez co-produit Ballbreaker avec Rick Rubin - comment définiriez-vous
votre rôle de producteur sur cet album ?
En fait, ce qu'il s'est passé, c'est que Rick n'était pas très
présent dans le studio alors par la force des choses, je me suis retrouvé
à faire de plus en plus le travail d'un producteur. Quand l'album a été
finalisé, Angus & Malcolm m'ont dit que me donner le statut de co-producteur
sur cet album était un minimum. Mais j'ai surtout aidé au choix
des prises et au travail sur le son pour Ballbreaker.
Est-ce que vous choisissez le matériel utilisé ?
Pour AC/DC non, ils se débrouillent seuls. Ils sont ouverts aux propositions
mais ils arrivent assez carrés en studio, le boulot est déjà
pas mal mâché.
Angus & Malcolm sont très attachés à leur son,
est-ce vraiment spécial de bosser avec eux ?
Oui, ça l'est. Le son à changé d'album en album mais dans
les années 80 par exemple, ils n'ont jamais dévié vers
ce son bourré de reverb typique de cette décennie. Cependant,
si on écoute tous les albums, on remarque tout de même une certaine
évolution. Mais bon... avec AC/DC de toute façon, c'est «
right away off » *, c'est la marque de fabrique de la maison..
Les avez-vous déjà aidé à écrire des
chansons ?
Non, jamais.
- Comment les rôles sont-ils répartis en studio entre Angus,
Malcolm & le reste des membres ?
Hum... Angus & Malcolm mènent les débats même si tout
le monde donne son point de vue. Quand la décision se précise,
Angus & Malcolm tranchent généralement. C'est Malcolm qui
parle le plus en studio, c'est le capitaine du navire, mais il consulte en permanence
Angus. Brian donne également son avis sur les voix et propose pas mal
ainsi que Phil et Cliff. En fait, tout le monde prend parti, mais pour les grandes
lignes de conduite et la décision finale, demandez aux frangins.
Peut-on vraiment dire que Malcolm est le cerveau ?
Hum.. oui, mais ça vient aussi peut-être du simple fait que c'est
l'aîné des deux. Quoi qu'il en soit, il peut en effet être
considéré comme le leader du groupe. Quand les autres jouent,
ils gardent toujours un ?il sur Malcolm. Il véhicule une grosse énergie.
AC/DC est un groupe live. Quel est le secret pour capturer leur énergie
en studio ?
Le secret c'est eux. Pour Stiff Upper Lip par exemple, on faisait une première
prise, puis une seconde et au bout de quelques-unes, quand la transpiration
commençait vraiment à couler, il n'y avait plus qu'à augmenter
un peu le volume d'enregistrement, et on y était.
Ballbreaker a d'abord été enregistré à New-York
et fut terminé à Los Angeles - Ocean Way Studios. Qu'est-il vraiment
arrivé ?
Ils ont commencé l'enregistrement à New-York (j'étais sur
un autre projet à ce moment précis). L'idée principale
pour Ballbreaker était d'arriver à choper un son propre, en particulier
pour la batterie (et des autres instruments aussi bien sûr). Le studio
de New-York lui, était un truc du genre « espace super live »,
très peu confiné et on arrivait pas à ce qu'on voulait.
On est resté là six semaines car je crois que ça avait
été payé par avance. On est repartis sans rien sur bande.
Nous sommes alors allés à LA, dans un studio qui convenait beaucoup
mieux.
Chris Slade était-il présent lors des premiers jours d'enregistrement
?
Non, pas pour Ballbreaker non.
Un tremblement de terre secoua Los Angeles en 1994 et il a été
dit que le studio de Rick Rubin avait été détruit, cela
a-t-il gêné l'enregistrement ?
Il y a effectivement eu un tremblement de terre pendant que nous étions
à LA. On regardait la télé et tout s'est mis à trembler.
On est sortis à toute vitesse mais rien n'a été endommagé
et toutes les bandes étaient de toute façon en sécurité.
Il y en a également eu un un peu plus tard mais il n'a pas non plus eu
raison des bandes.
Cet album marque le retour de Phil Rudd - manquait-il ?
Oui, je crois vraiment oui. Il a ce feeling particulier propre à AC/DC.
La manière qu'il a de placer ses cymbales et ses fûts lui est très
spécifique. AC/DC a eu de bons batteurs après son départ
mais j'ai vraiment le sentiment qu'on leur a dit comment frapper sur du AC/DC
alors que Phil Rudd est le beat d'AC/DC par nature.
A cette époque, y avait-il une vraie osmose entre les membres du
groupes ?
Je ne sais pas comment ils s'entendaient avant le départ de Phil
mais en tous cas tout s'est très bien passé pendant l'enregistrement
de Ballbreaker.
A quel point la technologie d'aujourd'hui vous aide-t-elle en tant que producteur
?
Bof... elle ne m'aide pas particulièrement en fait. Le moins on ajoute
d'effets, le mieux c'est pour un enregistrement, et ceci est particulièrement
vrai pour le Rock'n'roll. Je n'affectionne pas trop les technologies qui permettent
le bon rendu de musiciens en fait médiocres.
Neil Young a récemment déclaré qu'il voulait revenir à
l'analogique et beaucoup semblent s'accorder sur ce point.
De toute façon, c'est comme ça que ça rend le mieux. Avec
l'analogique en gros, la seule chose qu'on puisse faire c'est jouer avec la
balance et les volumes et ça ne pardonne pas. Il faut être bon
musicien, il n'y a pas de secret. Vous savez, il y a tellement d'albums qui
sonnent bien mais qui sont en réalité tellement médiocres...
Vous pensez qu'il est plus facile de produire un album aujourd'hui qu'il
y a quelques années ?
Non. Les jeunes musiciens font de plus en plus la loi dans les studios et les
prises sont de plus en plus courtes et bourrées d'effets. Les tournées
leurs paraissent fastidieuses si un album ne les fait pas vendre. C'est dommage,
c'est pourtant sur scène qu'on apprend le plus...
Qu'aimez-vous le plus dans le rock'n'roll ?
L'énergie qui en ressort.
La transition est toute faite, travaillerez-vous bientôt avec AC/DC
?
Oh oui..j'espère bien que oui, ça fait des années que j'attends
ça.
(en audio: « Sure, hope so - I have been waiting for years now - je vous
laisse vous faire votre opinion...)
Sur quoi travaillez-vous en ce moment Mike ?
Sur l'album de ce super groupe : Koritni. . Je crois d'ailleurs qu'ils viennent
d'Australie. Un très bon album, achetez-le !
Dernière question, comment voyez-vous la musique dans les prochaines
années ?
De bonnes chansons sont encore écrites, y'a pas de soucis, on entend
toujours de belles mélodies. Je pense que le courant Heavy Metal va progressivement
s'essouffler, j'espère en tous cas.. et que nous reviendrons à
du Rock'n'Roll plus mélodique.
Merci pour cet entretien. Avez-vous un message particulier à passer
à highwaytoacdc.com ?
Vous m'avez dit que la précédente question était la dernière,
menteur ! (rires)
Traduction : Arnukem
Le nouvel album de Koritni sortira dans les bacs le 29 janvier 2007. Toutes les infos sur le site officiel : "http://www.koritni.com/