Lynda LACOSTE : J’ai beaucoup ri en lisant cette phrase de Malcolm qui
disait que les gens pouvaient sortir et que le côté REM, s’ils
étaient à la recherche de moments intenses, et qu’à
la fin de la nuit, ils voulaient juste rentrer chez eux et s’envoyer en
l’air, et c’est là qu’AC/DC intervient. Est-ce que
vous aviez cette idée en tête quand vous avez composé «
Stiff Upper Lip » ?
Angus : Oui plutôt. Si vous pensez aux gens qui vont l’écouter,
il faut que ça les rende heureux. D’ailleurs, moi quand je fais
l’amour, je suis détendu et je suis plutôt heureux.
Brian : Pareil (rires)
Angus : On perd pas les bonnes habitudes.
Vos chansons sont réputées pour avoir des
paroles qui font souvent référence au sexe. Dans les années
70, les maladies sexuellement transmissibles se limitaient aux morpions ou à
l’herpès. Maintenant on a le SIDA que l’on peut contracter
dès le 1er rapport sexuel et parfois mourir.
Angus : Mettez-vous une grosse capote.
C’est le conseil que vous donnez aux jeunes ?
Angus : Oui, sortez couvert. Portez un bon imper.
Et maintenant, vous êtes heureux d’avoir pu
vivre toutes vos expériences dans les années 70 comparé
aux jeunes groupes actuels ?
Angus : Je pense que les gens doivent être ouverts quoi qu’ils
fassent. Moi je n’ai rien à cacher et plus on est ouvert, plus
on se sent à l’aise. Si on se base trop sur ce que l’on doit
faire ou ne doit pas faire, surtout dans le domaine musical, cela est très
limité et on vit sa vie comme dans un cocon au lieu de s’ouvrir
le plus possible. Cela limite franchement les opportunités mais il ne
faut pas que sa vie prenne trop vite des allures de prison.
C’est
le thème de votre chanson « Safe in New York City », non
? ou vous comparez New York à une cage ? A quoi font référence
les paroles ?
Brian : C’est très ironique en fait de dire que l’on
se sent en sécurité à New York. Oui, en fait le héros
se sent en sécurité dans une cage. A la fin de la chanson, le
héros dit qu’il se sent en sécurité dans la cage
que représente New York pour pas que les gens prennent ces paroles au
sérieux. C’est très ironique en fait.
Les paroles de vos chansons font également
souvent référence au diable, à l’enfer et au mal.
Faut-il comprendre par là que vous avez tous reçu une éducation
religieuse que vous rejetez en bloc ?
A : Non, ça n’a pas été mon cas. Ca serait
plutôt le contraire en fait. Je ne sais pas si ce fut le cas pour Brian,
mais en ce qui me concerne, mon père disait que toutes les idéologies
engendraient trop de conflits, et la religion et la politique en font parties.
On n’a pas besoin de ça. Il y a assez de prêcheurs de bonne
parole comme ça dans le monde qui imposent tous leur propre vision de
la vie. Mon père m’a dit « Quand tu seras grand, tu te feras
ta propre idée sur la religion » et il avait raison. Il en va de
même pour le rock. A l’époque, quand j’étais
plus jeune, tous mes camarades de classe jalousaient ma liberté, car
je pouvais aller à des concerts et eux ils ne pouvaient rien faire car
ils dépendaient trop des prétendues règles de la bonne
éducation. J’ai eu beaucoup de chance je pense.
Vous avez grandi en Australie. Qu’avez-vous retiré
de bon de ce pays comparé aux autres comme les Etats Unis ou ailleurs
? Et qu’est-ce qui vous a fait penser que vous étiez typiquement
australien dans votre approche du rock’n’roll ?
A : Le côté très direct en fait. Si on joue dans
un club ou un bar, les australiens sont très directs. Ils vous diront
tout de suite ce qu’ils en pensent.
Dégagez ou super-génial !
A : Oui, ça se passe comme ça. Et surtout, ils veulent
entendre du rock, même si à l’époque, la mode était
à la pop légère, léchée et bien carrée,
alors qu’en fait, il y a avait 2 cultures musicales qui co-existaient
en même temps. Il y avait l’élite qui prêchait pour
une musique très formatée et très carrée, et le
reste dont nous faisons partie, c’est-à-dire la plus grande partie
de la population qui voulaient entendre du rock pur et dur.
B : Je pense que les australiens sont réputés dans le monde entier pour leur façon inégalable de faire un pied de nez aux autorités quoi qu’il arrive.
A : Les australiens montaient des bars en paille durant la guerre du Vietnam, les américains, eux, avaient toujours des supers bars.
A : Quant aux troupes australiennes, elles avaient de petits casques de rien sur la tête et elles montaient des bars de « 2 francs » en paille.
B : En fait, ils les camouflaient pour pas qu’ils sautent ! (rires)
Et même s’il y a beaucoup de groupes en Australie,
peu ont réussi à obtenir un succès international surtout
comme vous qui avez vendu 85 millions d’albums. C’est du jamais
vu. Qu’est-ce qu’AC/DC a de si rare pour avoir pu pénétrer
le marché mondial de la sorte ?
A : C’est probablement dû à notre simplicité.
Nous sommes très simples, très directs, et on en fait le minimum.
On trompe personne.
B : On fait ça.
A : Cela rejoint la question que vous avez posé tout à l’heure. C’est dû à notre sincérité. On ne peut pas voiler notre vraie identité et on veut être nous mêmes. On n’essaie pas d’arnaquer le public avec une fausse image qui ne leur renverrait pas ce que nous sommes vraiment. Une image très léchée et idyllique.
B : C’est génial de ne pas se retourner sur son passé, et de rencontrer de vieux fantômes dont on a honte comme c’est le cas d’autres groupes, surtout que chez nous on a de vrais squelettes (rires). Et on a quelques managers et agents qui ont connu ça. Vous savez, ni vu, ni connu …
Ce que les fans apprécient par-dessus tout en AC/DC,
c’est de pouvoir toujours trouver des éléments de blues
et de rock lorsqu’ils écoutent un nouvel album. Ils peuvent toujours
faire le lien avec des albums précédents. Vous êtes un des
rares groupes à avoir une marque de fabrique aussi évidente. A
part le blues et le rock, quels sont les nouveaux éléments de
« Stiff Upper Lip » ?
A : Je pense que la véritable nouveauté réside
dans les chansons. Au début, on a un style, un son qui caractérise
le groupe. Ceux sont ses signes de reconnaissance. Je fonctionne moi-même
comme ça. Quand j’écoute un disque, je veux pouvoir reconnaître
tout de suite le nom du groupe. Je ne peux pas mettre 2 heures à deviner
qui se cache derrière l’album. Je veux pouvoir reconnaître
un artiste dès la 1ère écoute. Je veux identifier immédiatement
Chuck Berry ou les Stones. J’aime bien pouvoir dire « Eh pas besoin
de me dire qui c’est ! ». Moi je reconnais tout de suite le groupe.
C’est d’ailleurs ce qui distingue un groupe des autres qui veulent
être toujours le groupe n° 1 du moment. Nous appellons ça des
groupes « fast food ». C’est de la merde, du vite-consommé
!
B : C’est une très bonne comparaison. Vraiment !
A : Quand on écoute les infos à la radio, ils font toujours des petits patchworks de nouvelles, ils mélangent un petit peu de tout, un peu de sport, météo, de ci, de ça. Donnez-moi un peu de rap, quelques émeutes dans la ville. En ce qui me concerne, je veux seulement être honnête et jouer du vrai rock.
C’est vrai, vous avez connu le punk, le glam-rock,
le rap, la new-wave, le grunge. Que pensez-vous des jeunes qui se précipitent
dans les raves où il n’y a pas d’instruments, que des platines
?
B : Personnellement, je pense que la techno est un style de musiques
à facettes. Je ne pense pas que l’on puisse écouter de la
techno très longtemps car c’est vraiment répétitif
et c’est fait par un seul artiste qui n’est probablement pas un
très bon musicien mais qui est très doué en informatique.
Je crois aussi que ce style de musique est très lié à la
drogue. Ca se passe toujours la nuit, les gens dansent sans interruption. La
techno n’a rien à voir avec les autres styles de musique, c’est
une culture vraiment à part, mais bon, peut-être que je suis trop
vieux pour ça ! (rires).
Vous avez des souvenirs d’enregistrement imparables
comme quand vous, Angus, vous étiez en train de jouer « Let There
Be Rock » et que l’ampli a explosé et que Malcolm vous a
dit « Continues, continues !! » Est-ce que vous avez des anecdotes
classiques de ce genre à nous raconter sur l’enregistrement de
cet album ? Ou est-ce beaucoup trop technique en studio maintenant ?
A : Non, ça arrive toujours. Mais pour tout vous dire, je tremblais
beaucoup quand ça m’est arrivé. A l’époque,
on travaillait avec George, mon grand frère, qui essayait toujours de
m’énerver. Brian peut vous raconter.
B : Oh oui ! Il nous jouait de drôles de tours ! (rires)
Qu’est-ce qu’il faisait ?
B : George lui disait : « Alors Angus, tu es prêt à
jouer un petit peu de guitare ? » Angus lui répondait « Oh
oui, oui ». Il le gardait là pendant 1 heure, très excité,
et puis il lui disait « Maintenant tu peux y aller ! ».
Un peu comme un boxeur ?
B : Oui, c’était là tout de suite. Il vous force
toujours à rester sur le qui-vive, il est comme ça.
Mais le fait que George soit revenu et que vous soyez
les 3 frères réunis, Brian, est ce qu’ils se disputaient
souvent quand ils n’étaient pas d’accord, comme quand ils
avaient 10 ou 12 ans ?
B : Non, c’est la 1ère fois que je me suis autant éclaté
avec un album. Honnêtement, j’ai passé 3 mois inoubliables,
par rapport à tous les autres albums que l’on a fait. Je ne sais
pas pourquoi, mais tout a été beaucoup plus facile, le studio
était bien.
Oui, c’était le studio de Bryan Adams ?
B : Oui, George était là tout le temps, tout le monde
a travaillé dans la bonne humeur, on parlait des chansons à la
cool. Je me souviens avoir beaucoup ri, rappelle-toi Angus quand je chantais.
Parce qu’en fait, je chante dans la salle de mixage avec les techniciens
et je me souviens avoir beaucoup ri. Je me suis vraiment amusé et c’est
tellement rare d’avoir cette connivence. Si ça se reproduit, je
serai vraiment aux anges. C’était vraiment bien !
Votre façon de chanter n’a pas l’air
facile du tout.
B : Pour moi, ça l’est !
Oui, peut-être, mais …
A : C’est un compliment, elle te dit que tu chantes ! (rires)
B : Elle a dit que j’étais chanteur, c’est un beau compliment ! (rires)
Non, mais j’ai trouvé que c’était
très mélodique, vous avez dû mettre l’accent sur les
mélodies.
B : Oui, mais …. (rires)
Avez-vous une technique spéciale pour être
sûr d’être en forme pour attaquer les 3 mois d’enregistrement
qu’ont demandé cet album ?
B : Non, pas vraiment. Non, j’étais juste avec eux, ils
m’ont beaucoup aidé et conseillé. Ils me disaient «
Vas-y, détends-toi, chante ». Tout s’est fait très
simplement, il fallait juste chanter et se faire plaisir ! Je me suis éclaté,
c’était vraiment sympa. Quand je me plantais, je rigolais encore
plus, mais bon, ils étaient là pour me recadrer, mais c’est
marrant, c’est vraiment très drôle !