Lors du voyage le ramenant vers Paris, Jean-Paul éprouve comme un sentiment
de frustration ! En effet, il essaye tant bien que mal de se souvenir des détails
ayant jalonné le concert auquel il a assisté quelques jours plus
tôt, mais sa mémoire se brouille ! « C’était
un peu comme si on m’avait donné tout un tas d’informations
dans le même instant ! Il m’a fallu un certain temps pour tout remettre
dans le bon ordre ! ».
A peine arrivé chez lui, Jean-Paul s’en va pour raconter à
son frère l’événement qu’il a vécu !
« C’était incroyable comme situation ! Je me souviens, j’étais
dans le couloir de la maison, celui qui mène aux chambres ! Et plus j’avançais
dans ce couloir, plus je percevais une musique provenant de la chambre de Richard,
mon frère ! Incroyable ! J’ai reconnu « It’s a long
way to the top » ! En fait, j’ai surtout reconnu la cornemuse de
Bon, et tout de suite, un flot d’images s’est bousculé dans
ma tête ! ». Jean-Paul ouvre la porte de la chambre, et sans qu’il
ait le temps de prononcer la moindre phrase, Richard lance à son frère
« On m’a fait découvrir ce groupe ! Putain, c’est génial
! Ecoute ça ! » dit-il en lui tendant la pochette de la version
d’ »High Voltage » parue en Europe 
récemment
! Jean-Paul saisit cette pochette, médusé ! Angus était
là, devant lui, tirant la langue….comme pour le narguer ! Le choc
! AC/DC était arrivé jusque dans la chambre de son frère
! C’est en observant le recto de cette pochette que Jean-Paul découvre
les fameuses bottes de Malcolm qui lui avaient tapé à l’œil
quelques jours auparavant ! Se remettant progressivement de cette émotion
pour le moins inattendue, Jean-Paul annonce alors à Richard « Si
je te disais que je les ai vus en concert il y a quelques jours à Londres,
tu me croirais ? » Là, c’est Richard qui est médusé
! Bref, toujours est-il que les deux frères ont passé cette soirée
à écouter en boucle « High Voltage », Jean-Paul illustrant
de ses souvenirs les morceaux communs à l’album et au concert !
« C’était fabuleux, j’avais l’impression de revivre
une seconde fois la prestation du groupe ! Je croyais que ma mémoire
n’avait retenu que très peu de chose, en fait, chaque morceau qui
inondait la chambre de Richard était comme un choc déclenchant
toute une ribambelle d’images ! Par contre, j’ai été
un peu déçu de ne pas entendre « Baby, please don’t
go » sur cet album » !
Le hasard est parfois vicieux ! Jean-Paul et Richard ont un ami en commun !
Cet ami a la particularité d’être né d’une mère
australienne et d’un père français divorcés ! La
mère est retournée vivre en Australie ! Peu de temps avant que
Jean-Paul ne revienne en France, cet ami s’en est allé rendre une
visite à sa mère au pays des kangourous ! C’est toujours
cet ami qui avait fait découvrir AC/DC à Richard ! « David
était complètement ravagé d’AC/DC ! lorsqu’il
m’a fait découvrir ce groupe, c’était comme si il
venait de rencontrer Dieu ! Il est revenu d’Australie au début
du mois d’Octobre ! Le bougre ! il avait dans ses valises trois trésors
qui nous ont fait chavirer le cœur ! « High Voltage » «
TNT » et «Dirty Deeds Done Dirt Cheap » versions australiennes
! » précise Richard ! « En fait, « Dirty Deeds »
n’était pas encore paru en Europe, mais David qui savait tout sur
le groupe, nous avait informé qu’une édition européenne
serait disponible d’ici à la fin de l’année ! Inutile
de vous dire que l’on a enregistré ces albums dans la foulée
! C’était marrant, on avait bricolé un système reliant
notre tourne-disques à un magnéto ! Le son n’était
pas bien terrible ! Mais qu’importe, on avait de l’AC/DC nouveau
à se mettre dans les oreilles ! Au début Jean-Paul ne percute
pas ! Pour lui la version d’ »High Voltage » ramenée
par David est juste une édition australienne avec une pochette différente
! Jean-Paul ajoute « Je me souviens, on était chez David, il a
posé « High Voltage » (oz) sur son tourne-disque… et
là…un autre choc ! « Baby, please don’t go »
! J’ai sauté au plafond! Nom de dieu, mais pourquoi n’avaient-ils
pas intégré ce titre sur la version européenne ? »
. C’est là aussi qu’en comparant les titres des albums «
australiens » et « européens », les deux frères
se rendent compte que la version d’ »High Voltage » disponible
en Europe n’est en fait qu’une
compilation
des deux premiers albums officiels d’AC/DC ! Quant à « Dirty
Deeds Done Dirt Cheap », la version européenne qu’ils venaient
tout juste de se procurer les avait déçu par sa pochette nettement
moins efficace que son homologue australienne ! « David nous a fait sourire
! Il nous a dit « Vous savez, en Australie, les fans se débrouillent
comme ils peuvent pour se procurer les versions européennes de ces albums
! » C’est là que l’on a commencé à comprendre
qu’AC/DC prenait une ampleur vraiment surnaturelle ! Lorsque des gens
commencent à collectionner des disques d’un groupe uniquement pour
une pochette différente ou un titre ou deux supplémentaires, c’est
qu’il se passe quelque chose ! » Richard ajoute « Je connaissais
David depuis longtemps, depuis ma plus tendre enfance ! Lorsqu’il avait
ce sourire en coin qui le caractérisait tant, c’est qu’il
avait quelque chose de particulier à nous apprendre, mais qu’il
attendait le moment opportun !, et là, ce sourire si particulier, il
n’en finissait pas de dessiner sa bouche ! A un moment donné, j’ai
craqué et lui ai dis « Bon, Dav’… qu’est-ce qu’il
y a ? » Son sourire s’est transformé en éclats de
rires ! Je me souviens, il avait un petit sac à dos avec lui, il l’a
ouvert, sorti une pochette en plastique rouge, déplié cette pochette….
Et là, il tenait fièrement trois tickets de concert ! Il n’a
dit qu’une phrase « On y va les mecs ? » J’ai saisi
un ticket et lu que Rainbow donnait un concert au Pavillon de Paris ! Sur le
coup j’ai pas percuté ! J’ai dit à David, «
Tu sais moi Rainbow ! , j’accroche pas trop ! C’est là que
Jean-Paul m’a donné un coup de coude en me regardant dans les yeux
! Je me souviens de sa phrase « Tu sais moi, pour revoir AC/DC en concert,
je suis prêt à aller voir Tino Rossi ! » ! Putain….
AC/DC venait en France et moi, je n’avais pas saisi l’affaire !
Evidemment qu’on allait accompagner David à ce concert ! D’ailleurs,
je lui ai fait la bise à David… quel cadeau il nous faisait là
! »
Le 13 Octobre 1976, nos trois compères se sont donc rendus sur les lieux du crime ! En chemin, ils essayent d’imaginer quelle sera la set-list du concert ! Même si AC/DC ne va jouer qu’une demi-heure, ils se livrent à toutes les hypothèses possibles et inimaginables ! Le concert ne comportera que quatre morceaux « Live Wire », « She’s got balls », « Soul Stripper » et Rocker » ! Quatre morceaux, mais quelle claque ! Terrible ! Le Pavillon de Paris en tremble encore ! « J’en avais les larmes aux yeux ! » confie Richard !….. Rainbow ? Ils ont oublié ! Pour Jean-Paul qui avait déjà vu le groupe quelques mois auparavant, la sentence est énorme ! AC/DC avait pris une dimension gigantesque ! En vingt minutes, ils avaient dégagé autant d’énergie qu’un groupe peut le faire en une heure trente ! Terrible ! Et d’ailleurs, une partie du public ne s’y est pas trompée, car Rainbow eut un certain mal à passer derrière ! Ils leur avaient volé la vedette ! Durant le concert, Jean-Paul a sympathisé avec un fan de Rainbow, un hollandais qui les suivait partout sur la tournée ! Ce fan lui déclara « Depuis le début de la tournée, c’est chaque soir la même chose ! Les gens viennent pour Rainbow, mais repartent avec AC/DC dans la tête ! Le pire de tout, c’est que c’est mérité ! Je suis fan de Rainbow, mais je ne peux ignorer qu’AC/DC est génial ! Hier soir, j’ai discuté avec Richie (2) et lui aussi reconnaît qu’AC/DC a tout pour devenir grand ! » Beau fair-play pour que l’on n’oublie de le souligner ! Surtout lorsque l’on connaît le caractère de l’ancien guitar-hero de Deep Purple !
Difficile de se remettre d’un concert d’AC/DC.. même si ce concert se résume à une « première partie » ! David, lui, s’est arrangé pour repartir en Angleterre quelque temps plus tard ! Il a vu le groupe l’Hammersmith Odeon de Londres le 10 Novembre ! Malheureusement, il n’a jamais pu nous livrer ses impressions, ses sensations, son témoignage….. David est décédé d’un accident de voiture sur le retour ! Jean-Paul ajoute « C’est marrant, j’étais moins proche de David que mon frère l’était ! Mais, je me souviens très bien que la veille de son départ pour Londres, il hurlait à qui voulait l’entendre « Après le 10 Novembre, je pourrai mourir tranquille ! J’aurai vu AC/DC ! » Hélas pour lui, c’est devenu une réalité ! Sans vouloir tomber dans le sentimentalisme de base, il est évident que lorsque mon frère et moi, nous écoutons un morceau d’AC/DC avec Bon Scott, nous ne pouvons nous empêcher d’avoir une pensée émue pour David ! ».
