Dirkschneider à la Machine du Moulin Rouge (Paris), le 13 décembre 2017Accept, c'est Udo. En tout cas, c'est ce que me rabâchait sans cesse Nicolas, mon night manager pendant cette année 2009 que j'ai passée à travailler de nuit dans l'Hôtel New York, situé dans un célèbre parc d'attraction avec des grandes oreilles. Un an après sortait
Blood Of The Nations avec Mark Tornillo au chant, l'album chef d'œuvre (oui, je l'affirme haut et fort!) de la renaissance, suivi par 3 autres disques un peu moins percutants mais tout de même bourrés de qualité.
Mais non, pas moyen de trainer Nico à un concert d'Accept, lui il veut Udo, et rien qu'Udo! Et finalement, 8 ans après, le compromis: désireux de laisser derrière lui sa carrière avec ses comparses Wolf Hoffmann et Peter Baltes, Udo Dirkschneider fait une tournée pendant laquelle il ne jouera que les morceaux d'Accept de son époque (qui s'étale sur 18 ans tout de même). Après ça, promis juré craché, il ne les jouera plus du tout sur scène, comme il le faisait régulièrement avec U.D.O., son "groupe solo" (oui je sais, ce terme est paradoxal).
Cette tournée, baptisée sobrement et en toute modestie "Dirkschneider", a tout d'abord boudé la France; mais après avoir sorti coup sur coup 2 albums live aux setlists jouissives (bien que fort similaires), notre militaire teuton vient finalement nous rendre visite à la Machine du Moulin Rouge.
Une file d'attente déjà conséquente nous attend lorsque nous arrivons à 18h20, soit 10 minutes avant l'ouverture des portes. La salle sera-t-elle remplie?
Raven (19h15 - 20h)
Pour l'instant, ce n'est pas le cas lorsque le groupe d'ouverture arrive, de la façon la plus directe qui soit: un coup de guitare depuis les backstages - ok c'est bien branché - on peut débarquer sur scène, et on envoie la sauce directe.
Groupe totalement inconnu pour moi, j'observe avec un peu d'étonnement ces vieux briscards à l'attitude de jeunes fougueux. Aux côtés de la mine ahurie du guitariste et de l'air hagard du bassiste-chanteur (équipé d'un micro-casque pour être libre de ses mouvements), c'est paradoxalement le jeune batteur qui semble le plus sérieux et concentré. Tout s'enchaine très vite, on ne s'ennuie pas, d'autant que les fans sont présents dans la salle. Le son est très bon, les 2 cordistes n'arrêtent pas de bouger, sauter, se déhancher dans tous les sens, et la communication est là… Décidément cette 1ère partie est de très bonne facture.
On pourra tout juste reprocher une certaine répétitivité dans la musique (mais c'est peut-être l'effet live), et quelques lignes de chants qui me semblent fort inspirées du
Walls Of Jericho d'Helloween (à moins que ce ne soit l'inverse, Raven étant un chouia plus vieux).
Avant le dernier morceau, le clou du spectacle sera pour moi l'hommage à Malcolm Young sur "It's A Long Way To The Top (If You Wanna Rock N' Roll).
Setlist de RavenDirkschneider (20h28 - 22h33)
Le temps de passer le bonjour à mes potes quinquagénaires dont je ne connais toujours pas le nom, et dont notre dernière rencontre remonte à
Avantasia il y a presque deux ans, l'attente est de courte durée; mais il faut savoir être patient pour approcher une légende! Cela en vaudra-t-il la peine?
Pour le moment, après une chanson indéterminée sur bande (la flemme de demander à Cortana), c'est "The Beast Inside" qui démarre sur bande elle aussi, avant que les musiciens prennent le relais les uns après les autres pour du vrai live, chacun d'un statisme à toute épreuve (sauf le batteur évidemment), la voix d'Udo nous parvenant depuis les coulisses. Il apparait finalement au bout de quelques instants devant nos yeux, et sous une très belle ovation, avant que les chaines invisibles retenant les autres musiciens se libèrent afin qu'ils puissent rejoindre leurs places respectives.
L'on pourrait penser que "The Beast Inside", au tempo assez lourd et lent, soit une mise en bouche avant d'entamer les choses sérieuses. Mais non, et c'est là que les ennuis commencent. Préparez-vous, ça va faire mal.
Quand on a sorti les 3 chefs d'œuvre que sont
Restless And Wild,
Balls To The Wall et
Metal Heart, ainsi que 2 autres disques qui n'ont pas à rougir face aux 3 autres, à savoir
Russian Roulette et
Breaker, il y a suffisamment matière à proposer une setlist déjà bien fournie. Mais non, Udo a décidé de jouer les titres les moins emblématiques de sa carrière au sein d'Accept: "Bulletproof", "Slaves To The Metal", "Protectors Of Terror", "Stone Evil"… même les décevants
Eat The Heat et
Predator sont au rendez-vous, avec "X-T-C" et "Hard Attack".
Bref, on s'ennuie ferme, et ce ne sont pas les pourtant légendaires "Midnight Mover", "London Leatherboys", "Breaker" ou "Love Child", disséminés avec parcimonie au long de la soirée, qui rehaussent l'ambiance; parfois un léger pogo se met en place, puis retombe comme un soufflé. De plus, hormis les titres précités, lorsque les albums cultes sont représentés, ce ne sont pas par leurs meilleurs ambassadeurs: "Aiming High", "Another Second To Be", "Fight It Back", oui elles sont sympas… mais aucune trace de "Head Over Heels", "Turn Me On", "Too High To Get It Right", "Up To The Limit", "Flash Rockin' Man", "Screamin' For A Love-Bite", "Losers And Winners", "Dogs On Leads"… bon je m'arrête là, mais vous avez compris: il y avait vraiment moyen d'envoyer du lourd, non? Et même pas un petit "Restless And Wild", le comble!
Et pour continuer avec les déceptions, pour la série de slows (terme emprunté à mes souvenirs de boums), à la place des anecdotiques "Can't Stand The Night" et "Amamos La Vida", pourquoi pas un "Neon Nights"?
Mais bon, je ne vous ai pas dit le pire dans tout ça… ça fait peur hein? Non, le pire, c'est l'interprétation. Alors non, je ne parle pas de la famille Dirkschneider; car oui, à la batterie, ce n'est rien moins que le rejeton d'Udo, Sven, qui se démène comme un damné derrière ses fûts: c'est carré, propre, respectueux du matériau d'origine, il chante au diapason de son paternel, joue avec ses baguettes, enfin il s'amuse quoi, il est motivé le 'tiot!
Udo quant à lui, on le sent un peu vieilli et fatigué, il ne bouge pas trop sur scène. Mais derrière ses gestes et ses expressions faciales m'évoquant quelque peu Joe Cocker, sa voix n'a absolument rien perdu de son grain, et il excelle dans les graves comme dans les aigües; oui, la Légende est bien là.
Malheureusement, la Légende, elle est éclipsée par ses musiciens… qui font pourtant partie d'U.D.O.! Le bassiste Fitty Wienhold est celui qui s'en sort le mieux. Tout aussi appliqué que Sven dans son jeu et le respect de ses partitions, il se montre bien plus discret, peut-être trop. Ou alors est-ce la comparaison avec Peter Baltes qui montre une nuance trop prononcée?
En tout cas, comparé à ses 2 compères guitaristes, il n'a pas grand-chose à se reprocher. Commençons par Andrey Smirnov: il serait bien cruel de lui reprocher de ne pas être à la hauteur de Wolf. Mais un petit effort sur les solos aurait été le bienvenu, et surtout, même si techniquement il reste très correct, son attitude de beau gosse poseur aurait plus sa place dans un groupe de Glam que chez… presqu'Accept! On applaudit volontiers ses interventions, mais un manque de charisme évident empêche la sauce de prendre totalement. A la décharge des guitaristes, leur son manque cruellement de mordant: comparé à la caisse claire qui nous claque agréablement dans les oreilles, les guitares sont plates, ça manque de puissance et de mordant. Je répète, on s'ennuie, le temps parait long et la fatigue commence à se faire sentir.
Mais pour en finir avec les six-cordistes, je vais conclure par le pire: le petit nouveau Bill Hudson, qui à mon sens n'a carrément pas sa place aux côté d'Udo. C'est probablement grâce à lui que je pardonne les petits ratés et les poses d'Andrey. Malgré son regard bovin que n'aurait pas renié Loana (oui, celle de
Loft Story) et son look émo-qui-ne-ressemble-à-rien, c'est lorsqu'il retirera le haut que son attitude finira de m'agacer; et c'est un fan de Kissin' Dynamite qui le dit, alors imaginez donc!
Revenons à la musique: après "Russian Roulette", le rappel manque un peu d'enthousiasme, la faute à cette salle qui, décidément, ne s'est pas remplie; certains ont dû avoir le nez creux et ne pas avoir voulu assister au massacre.
Pourtant, lorsque le groupe est de retour, on imagine qu'Udo gardait le meilleur pour la fin… et c'est inespérément le cas! Mais encore une fois, l'exécution gâche tout. "Princess Of The Dawn" réveille enfin la salle, et n'a pas grand-chose à se reprocher. Le 1er petit couac sera l'enchainement avec "Metal Heart", sans l'intro caractéristique qui fait monter la pression. Dommage. Et pour couronner le tout, le break d'Andrey entre les 2 parties de "La lettre à Elise" dure beaucoup, beaucoup, beaucoup trop longtemps!
"Fast As A Shark" met enfin tout le monde d'accord, Udo nous sort le hurlement du fin fond de ses entrailles que nous attendons tous, et nous observons le 1er pogo de la soirée qui dure pendant tout un morceau, mais… car il y a un mais: pas de "Ein Heller Und Ein Batzen" ("Heidi Heido Heida" pour les 3 du fond qui ne suivent pas) en intro! Sacrilège!!!
Et, je n'aurais jamais cru dire ça un jour, "Balls To The Wall" est vécu pour moi comme une libération. Heureusement rien de notable à déplorer, les chœurs sont bien repris par le public, et j'ai même l'impression que dans une ultime prise de conscience, les musiciens se montrent enfin impliqués dans leur travail. Allez, on va dire que le final valait toute la souffrance endurée?
Bon j'exagère cette dernière remarque, tout n'était pas à jeter. Mais rares sont les fois où j'ai été déçu d'un concert, et en ressortant de l'ex-Loco je me suis senti un peu bête d'avoir dépensé 30€ pour ça.
On aurait pu croire que la présence seule d'Udo nous garantirait une soirée mémorable. Mais un chanteur, aussi emblématique et charismatique soit-il, ne peut rien sans un bon accompagnement musical. Et l'Accept actuel, même après le récent changement de line-up (guitare rythmique + batterie), est bien meilleur que l'ersatz aussi triste que la pluie qui tombait sur Paris auquel nous avons assisté ce soir. Accept avec Udo était génial. Accept avec Mark Tornillo est excellent. Mais Udo sans Accept n'a malheureusement que peu d'intérêt.
Moi qui avait renoncé à aller voir la bande aux pères Wolf et Peter en février, j'en viens à me demander si je ne vais finalement pas y aller afin d'atténuer ma déception. En tout cas c'est bien plus probable que d'aller voir U.D.O. une fois que la page Dirkschneider sera tournée…
Setlist de Dirkschneider